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Ce séculaire combat pour la liberté, l’égalité et la fraternité.

Publié le par Stéphane GOMEZ

Madame la Préfète, Caroline GADOU,

Mesdames et Messieurs les élus et anciens élus,

Mesdames et Messieurs les représentants du Collectif du 10 Mai, des associations mémorielles et des associations de Droits de l’Homme,

Monsieur l’Ordonnateur, cher Pierre BARNEOUD,

Mesdames et Messieurs, Chers amis,

 

Permettez-moi tout d’abord, d’excuser Madame Hélène GEOFFROY qu’un imprévu empêche d’être parmi nous. Elle m’a chargé de vous transmettre ses salutations et de vous communiquer ce qu’elle souhaitait vous dire.

 

Elle tenait, comme nous tous, à vous remercier, Madame la Préfète, pour l’honneur que vous faites aux Vaudaises et aux Vaudais en participant à cette commémoration. Croyez-bien que nous apprécions cette présence de l’Etat à nos côtés aussi dans les cérémonies commémoratives.

 

Des commémorations auxquelles nous attachons une grande importance. Elles contribuent à fédérer les mémoires à l’aune des valeurs de notre République.

 

Merci Madame LOUVÈS et Monsieur VINTAM pour vos interventions au nom du collection du 10 Mai.

 

Je remercie également les artistes et intervenants et l’ensemble des personnes présentes, ici, devant ce monument des Droits de l’Homme du sculpteur Bachir HADJI.

 

Il me semble important de dire que cette commémoration s'ajoute à celles en vigueur depuis 1983 en Outre-mer : le 22 mai en Martinique, le 27 mai en Guadeloupe, le 10 juin en Guyane, le 20 décembre à La Réunion et le 27 avril à Mayotte.

 

Tous les 10 mai, en métropole donc, nous honorons la mémoire des victimes de l’esclavage et la longue lutte pour l’abolition de la traite d’êtres humains.

 

Le 10 mai 2001, le Parlement Français vote la loi « Taubira » qui reconnaît l'esclavage comme crime contre l'humanité. À la suite de cette loi et du Comité pour la Mémoire de l'Esclavage, présidé par l'écrivaine guadeloupéen Maryse CONDÉ, Jacques CHIRAC annonce le 30 janvier 2006 la création d'une Journée annuelle de la mémoire de l'esclavage, qui se tiendra tous les 10 mai.

 

La Loi présentée par Christiane TAUBIRA, alors Députée, dit,  -je cite- :

« la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan Indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du XVème siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l'humanité».

 

Cette loi, qui porte le nom de l’ancienne Ministre de la Justice, requalifiait donc l’esclavage en « crime contre l’humanité » et ouvrait enfin le temps de la reconnaissance d’une tragédie de plusieurs siècles qui déporta 20 à 30 millions d’Africains.

 

En fait, il est très difficile d’en estimer le nombre, vous l’imaginez bien.

Et plus difficile encore si l’on tenait compte de cet ignoble commerce pratiqué depuis le VIIIème siècle, avec la traite transsaharienne et celle dans l’océan indien.

 

Et puis, nous le savons tous, Jacqueline LOUVES et Karim VINTAM l'ont rappelé, la traite négrière ne peut se limiter au nombre d'esclaves vendus et arrivés à destination entre le XVème et le XIXème siècle.

 

Il conviendrait de prendre aussi en considération :

  • ceux qui n’ont pas survécu aux conditions de détention et de transport sur le continent africain lui-même,

  • ceux qui sont morts plutôt que de se laisser prendre,

  • les enfants qui sont morts parce que leurs parents ont été capturés,

  • etc.

 

Pris dans ce cadre, il faut compter en moyenne 4 victimes collatérales pour 1 esclave vendu, soit près de 80 à 100 millions de personnes victimes de la traite.

 

Alors, disons-le, ce dépeuplement, cette saignée de l’Afrique a eu des conséquences démographiques, économiques, sociétales, humaines, psychologiques, politiques, quasiment inestimables et a constitué un frein fatale à son développement.

 

L’Histoire est l’Histoire, qu’elle soit glorieuse, tragique ou honteuse elle doit être étudiée, relatée et transmise, pour ne pas rajouter aux drames les violences de l'oubli ou de la négation.

 

Les faits sont les faits, qu’ils soient honorables ou condamnables.

 

Tous doivent être connus, appris et jugés à l’aune des contextes et des Droits humains fondamentaux.

 

Refouler l’Histoire produit incompréhension, ressentiment et conflit.

 

Les mots de Boubacar Joseph NDIAYE, figure illustre et emblématique de l’île de Gorée -où subsiste encore la Maison de l'Esclavage- et du Sénégal, sonnent juste lorsqu’il disait que : « sur tous les continents, la mémoire est nécessaire pour construire l’avenir » et que « rien n’a jamais été bâti sur l’oubli et le silence ».

 

Ici, à Vaulx-en-Velin, l’oubli est impensable et le silence impossible.

 

Notre Ville, dont le peuplement s’est constitué de tous les exiles, de toutes les cultures, de tous les atavismes, notre Ville est un lieu exceptionnel de partage des mémoires ; un lieu privilégié pour faire mémoire commune et société ensemble.

 

Et la Mémoire de la traite et de l’esclavage est notre Mémoire commune que nous descendions d’ancêtres opprimées ou d’ancêtres oppresseurs. Nous sommes chacune et chacun pleinement héritiers de l’Histoire. Nous devons dire ensemble toutes les obscurités, toutes les exactions, tous les crimes.

 

C’est un devoir, c’est un combat commun ; un combat que menèrent déjà, dans des conditions bien différentes, les mouvements d’émancipation et les mouvements abolitionnistes., que menèrent des paysans des Cévennes et des ouvriers de Liverpool en passant par les Canuts lyonnais.

 

La Révolution française en 1794, avait supprimé l'esclavage, DANTON défendant l’extension au nouveau monde de la « Liberté universelle ». Mais, le 10 mai 1802, Napoléon rétablissait l'ordre esclavagiste dans les colonies.

 

Il y eu des soulèvements en Guadeloupe, où le commandant Louis DELGRÈS, qui servit dans l’armée de la République, se suicidera en 1802, au moment où l’esclavage est rétabli, avec ce dernier cri : « Vivre libre ou mourir ».

 

Les hommes se soulèvent aussi en Haïti, avec Toussaint LOUVERTURE, qui a lui aussi adhéré aux idéaux de la Révolution et voudra fort justement les appliquer pour le peuple haïtien.

 

Il fallut attendre 1848 avec Victor SCHOELCHER, figure de la cause abolitionniste, pour qu'enfin « nulle terre française ne puisse porter d’esclaves » et mettre fin à des siècles au cours desquels s'était développé un florissant commerce d'esclaves destinés aux colonies françaises, anglaises, espagnoles, portugaises ou néerlandaises.

 

Un commerce qui, il faut bien le dire, fit la prospérité de Villes comme Nantes qui fut, entre le 17ème et le 19ème siècle, le 1er port négrier de France avec 1700 expéditions, Nantes où a été érigé le Mémorial de l'Abolition de l'Esclavage. Il y eut aussi La Rochelle, Bordeaux, Le Havre, Saint-Malo, Lorient ou Marseille.

 

Un commerce qui fit aussi la prospérité des nations européennes et des colons du nouveau monde ; ne l’oublions pas.

 

L’esclavage explique donc une part importante de la réalité du monde d’aujourd’hui.

 

Ce moment de recueillement et d’hommage permet de le rappeler, devant ce monument dédié aux Droits de l’Homme.

 

Notre République n’est pas irréprochable bien évidemment, mais elle a cette capacité, cette grandeur de produire, dans ses heures les plus sombres, des consciences qui incarnent les valeurs de la France des Lumières.

 

Au cours des commémorations qui viennent de s’écouler dans notre ville, Hélène GEOFFROY a certes rappelé que notre pays fut celui du gouvernement de Vichy, de la déportation des juifs et des opposants politiques, ou encore des massacres de Sétif ou de Madagascar, mais elle a dit aussi qu’il était celui de la Révolution française, des Droits de l’Homme, de Jean Jaurès, de la Résistance, de Jean Moulin et du Général de Gaulle.

 

C’est cette conviction qu’il nous faut porter dans notre Ville. À Vaulx-en-Velin nous sommes l’image de la France et le reflet de l’Histoire humaine, de ses valeurs universelles de Liberté, d’Egalité et de Fraternité.

 

Nous écrivons ici un Présent nourrit de mémoires dont celle de l’esclavage et de ses résonances d’aujourd’hui. Un Présent nourrit de la volonté de défendre ou conquérir la Liberté partout et l’émancipation de tous.

 

Et nous rappelons ici toujours les mots d’Aimé CESAIRE : « ce séculaire combat pour la liberté, l’égalité et la fraternité, n’est jamais entièrement gagné, et c’est tous les jours qu’il vaut la peine d’être livré. ».

 

Je sais, Mesdames et Messieurs, chers amis, que nous livrons ce combat ensemble. Et vos engagements citoyens sont précieux. Au nom de notre ville, je les salue.

 

Merci encore à tous pour votre participation à ce temps solennel partagé. Merci de votre attention…

 

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