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Hommage à Robert Badinter: peine absolue...

Publié le par Stéphane GOMEZ

Madame la Maire,

Mesdames et Messieurs les Élus,

Mesdames et Messieurs chers Vaudais,

 

Il ne peut y avoir que de l'émotion pour moi de dire en quelques mots ce que représentait, ce que représente pour nous Socialistes et Républicains ; ce que représente pour chaque citoyenne et chacun citoyen empreint de liberté et d'humanisme la figure lumineuse de Robert BADINTER.

 

Le 9 février 1943, il y a 81 ans jour pour jour, Samuel BADINTER est victime de la rafle de la rue Sainte Catherine, à Lyon. 84 personnes furent déportées, seules 4 survécurent, Samuel BADINTER ne fut pas parmi elles.

 

Le fils de Samuel, Robert, 14 ans, échappe de peu à la rafle, et se met en danger en partant immédiatement et fiévreusement à sa recherche. Robert BADINTER dira plus tard, que c'est ce jour là qu'il devint un homme de Gauche.

 

Sans vouloir le corriger, on pourrait dire que ce jour là, dans le drame, entouré et menacé par les haines, il devint un humaniste engagé. Car si Robert BADINTER s'est défini comme socialiste, les engagements et les combats de ce pupille de l'Humanité l'ont inscrit dans l'idéal républicain universel.

 

Né humaniste dans les haines de la Seconde Guerre Mondiale, il a vécu humaniste dans les cris et les haines quand jusqu'au bout il est resté engagé et fidèle à un idéal de Justice, qui dit que nul n'est libre tant que l'un de nos frères, l'une de nos sœurs est privé de sa liberté, de sa dignité.

 

Avocat, homme de la Justice institutionnelle, cet esprit brillant et précis, au mot beau et à l'humour mordant et toujours tendre, est d'abord l'homme d'un idéal de Justice, celle du respect et de la dignité, des libertés individuelles et des libertés collectives.

 

Nous le connaissons comme la figure emblématique de l'abolition de la peine de mort. L'écho de son discours à l'Assemblée Nationale le 17 septembre 1981 résonne encore en nous. Chaque phrase, chaque mot pourraient être repris, je ne reprendrai que ce passage : « La peine de mort ne défend pas la société, elle la déshonore ». Il n'y a pas de Justice à donner la mort.

 

Et retiré de l'engagement politique partisan, Robert BADINTER continua son engagement politique militant pour obtenir l'abolition universelle de la peine de mort, refusant de se contenter d'un moratoire sur les exécutions.

 

L'abolition de la mort légale ne fut pas son seul combat.

 

Il lutta contre les conditions d'incarcération dégradante, car la peine de prison ce n'est pas la vengeance de la société, mais un acte de réparation et de reconstruction, c'est l'intérêt de la société. Il lutta pour le droit des femmes à disposer de leur corps ; il lutta pour la dépénalisation de l'homosexualité ; il lutta pour la liberté de croire ce que l'on veut ou de ne pas croire, avec toujours ce même prisme, cette conviction chevillée au corps : les libertés individuelles et collectives, le respect de chacun pour le respect de tous.

 

Donner plus de droit aux autres, ce n'est pas s'enlever des droits, c'est renforcer nos droits. Donner plus de libertés aux autres, ce n'est pas s'enlever des libertés, c'est renforcer nos libertés. Renforcer les droits et les libertés des autres, c'est une question de respect et de dignité, c'est une part d'égoïsme : renforcer nos droits et nos libertés. C'est agir pour une société plus juste et fraternelle.

 

Robert BADINTER était avocat, il a d'abord été connu comme « Maître BADINTER » et peu peuvent douter que lui mieux que d'autres mériterait d'être qualifié de maître, si cela ne heurtait nos consciences de Républicains et d'Humanistes.

 

Dans Metalogicon (1159), Jean de Salisbury a ce mot envers son professeur : « Bernard de Chartres disait que nous sommes comme [petits] [original : des nains] assis sur des épaules de géants. Si nous voyons plus de choses et plus lointaines qu’eux, ce n’est pas à cause de la perspicacité de notre vue, ni de notre grandeur, c’est parce que nous sommes élevés par eux ». Si aujourd'hui nous voyons loin, c'est que nous sommes assises et assis sur les épaules de géants : Robert BADINTER est l'un de ces géants.

 

Interrogé sur ce qu'il espérait que Dieu lui dirait le jour de sa mort, Robert BADINTER se contenta de répondre : « Tu as fait ce que tu as pu. Entre »…

 

Vous avez fait ce que vous avez pu, et nous vous en sommes reconnaissant, car vous avez changé nos vies, vous avez ajouté à notre Humanité cet indispensable supplément d'âme. Entrez, entrez Robert BADINTER au Panthéon des Grandes Consciences.

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