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Voilà ce qui a été fait, voilà ce qu’a vu l’Europe ; voilà ce dont elle s’est détournée...

Publié le par Stéphane GOMEZ

Madame la Ministre, Hélène GEOFFROY, Maire de Vaulx-en-Velin, Vice-Présidente de la Métropole de Lyon ;

Madame la Députée Anissa KHEDHER ;

Madame la Vice-Consule d'Arménie à Lyon, Madame Gayané MANUKYAN ;

Monsieur le Maire d'Artik, Monsieur Mkhitar VARAGYAN ;

Mesdames et Messieurs les Élus et anciens élus, et qu'il me soit permis de saluer particulièrement Monsieur Armand MENZIKIAN, conseiller délégué aux Relations Internationales et Monsieur Paul CHEMEDIKIAN, qui tous deux ont oeuvré et œuvrent depuis des années pour le travail de mémoire du Génocide Arménien et pour le développement de la culture arménienne à Vaulx-en-Velin et bien au-delà ;

Mesdames et Messieurs les représentants d'associations de la communauté arménienne ;

Mesdames et Messieurs les membres du groupe Spitak et du Choeur du Souvenir des Ans Chanteurs qui animeront culturellement cette commémoration ;

Mesdames et Messieurs ;

 

Le 24 avril 1915, à 20h, sur ordre du Ministre de l'Intérieur ottoman Talaat Pachat, le chef de la police de Constantinople, Bedri Bey, fait arrêter de 235 à 270 médecins, éditeurs, journalistes, avocats, enseignants ou hommes politiques. Tous Arméniens. En quelques jours, près de 2500 Arméniens sont arrêtés dans la capitale ottomane. La machine monstrueuse est en branle, le Génocide des Arméniens commence. Dans cet empire ottoman agonisant, le Gouvernement dit des « Jeunes Turcs », à la recherche d'une identité nationale racialisée se trouve un bouc émissaire, un responsable phantasmé du déclin séculaire d'un empire qu'il dirige maintenant.

 

Cette histoire génocidaire ne débute pas en 1915. En juin 1896, dans la région de Van, au coeur de l'Arménie historique, pas moins de 350 villages sont rayés de la carte, sur ordre du Sultan Abdul Hamid II, le « sultan rouge ». Le 3 novembre 1896, dans le silence assourdissant de l'Assemblée Nationale, Jean JAURÈS dénonce « la guerre d’extermination qui a commencé, et l’émigration des familles arméniennes partant de leurs maisons détruites par l’incendie ; et les vieillards portés sur les épaules, puis abandonnés en chemin et massacrés ; et les femmes et les mères affolées mettant la main sur la bouche de leurs enfants qui crient, pour n’être pas trahies par ces cris dans leur fuite sous bois, et les enfants cachés, tapis sous les pierres, dans les racines des arbres, et égorgés par centaines ; et les femmes enceintes éventrées, et leurs fœtus embrochés et promenés au bout des baïonnettes ; et les filles distribuées entre les soldats turcs et les nomades kurdes et violées jusqu’à ce que les soldats les ayant épuisées d’outrages les fusillent enfin en un exercice monstrueux de sadisme, avec des balles partant du bas-ventre et passant au crâne, le meurtre s’essayant à la forme du viol ; et le soir, auprès des tentes où les soldats et les nomades se livraient à la même orgie, les grandes fosses creusées pour tous ces cadavres, et les Arméniens fous de douleur qui s’y précipitaient vivants ; et les prêtres décapités, et leurs têtes ignominieusement placées entre leurs cuisses ; et toute cette population se réfugiant vers les hauts plateaux ; — et puis, lorsque tous ces barbares se sont aperçus que l’Europe restait indifférente, qu’aucune parole de pitié ne venait à ceux qu’ils avaient massacrés et violentés, la guerre d’extermination prenant tout à coup des proportions beaucoup plus vastes : et ce n’étaient plus de petits groupes qu’on massacrait, mais, dans les villes, par grandes masses de 3 000 et 4 000 victimes en un jour, au son du clairon, avec la régularité de l’exécution d’une sentence : voilà ce qui a été fait, voilà ce qu’a vu l’Europe ; voilà ce dont elle s’est détournée ! ».

 

Le silence a triomphé, 20 ans après, le Génocide, comme un bégaiement de l'Histoire, est là. Un bégaiement ou une conséquence. Les mots de JAURÈS avaient 20 ans mais ils restaient dramatiquement justes et vrais, y compris pour nous dire que l'on savait mais que l'on se taisait. L'Europe, le Monde, dans les fracas de la 1ère Guerre Mondiale, répondent par le même silence assourdissant, qui 104 ans après résonnent encore, nous interpellent et nous interrogent.

 

Ce temps du souvenir met des mots sur les horreurs du Génocide des Arméniens pour y apporter la Justice historique. Ce temps du souvenir n'est donc pas un temps de la revanche ou de la vengeance. Il n'y a pas de Justice dans la vengeance, il n'y a pas de Justice sans mémoire, sans reconnaissance de la vérité historique. Il n'y a pas de Justice si on ne dit pas, si on ne reconnaît pas qu'il y a 104 ans commençait le Génocide des Arméniens de l'Empire Ottoman par le Comité Union et Progrès plus connu sous le nom de Gouvernement « Jeunes Turcs ».

 

Ce temps du souvenir, c'est le temps de la vérité historique sur lequel se construit la Justice. Le travail de mémoire est le pont qui relie hier à demain, c'est le pont qui franchit l'obstacle qui nous sépare de la voie de l'avenir que nous ne pouvons emprunter, ensemble, que par cette reconnaissance de l'Histoire, de la vérité du Génocide Arménien.

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