Renover, ce n'est pas liquider!
Le renversement de situation est inédit. Promis à une sévère défaite, annoncée de longue date par les sondages d’opinion, la gauche fait mieux que sauver les meubles : elle améliore son score de 2002 et se paie même le luxe de conquérir des circonscriptions de droite. Le PCF lui-même, qu’on pensait quasiment enterré, est finalement en mesure de maintenir un groupe parlementaire : « nous sommes la troisième force du pays », claironne Buffet, pulvérisée pourtant aux élections présidentielles. Et les Verts comptent désormais quatre députés. C’est mieux que si c’était pire.
Certes, il ne faut pas sombrer dans le ridicule. De même qu’il était absurde de qualifier l’échec de la présidentielle de « non victoire », il serait malvenu de se réjouir bruyamment de ce qui reste quand même…une défaite. Mais le rééquilibrage du rapport de forces permet d’envisager la législature avec plus d’optimisme. Le gouvernement trouvera sur sa route une opposition solide.
La confrontation politique, elle commence dès aujourd’hui à l’Assemblée. Dans les domaines économiques et sociaux, Sarkozy et Fillon vont frapper fort. A la gauche de réagir avec vigueur. C’est sur ce terrain-là que notre électorat nous attend. Le résultat du deuxième tour en témoigne : quand la gauche renoue avec sa mission historique (le combat inlassable pour la redistribution des richesses), les Français lui font confiance. C’est parce que le PS a fondé sa campagne de l’entre-deux tours sur des sujets comme l’instauration d’une TVA sociale ou l’absence de coup de pouce pour le SMIC qu’il a évité la débâcle.
Au moment où chacun en appelle à une nécessaire « rénovation », il est bon de se souvenir de nos fondamentaux. Rénover, ce n’est pas liquider. Le monde change, mais la mission historique de la gauche reste la même : le combat pour la redistribution des richesses, pour la résorption des inégalités, pour l’approfondissement de la démocratie. Tout cela reste d’actualité.
La période de réflexion à laquelle nous invite le premier secrétaire ne sera utile que si chacun fait preuve de clarté et de sincérité. Sincérité : rien de plus néfaste pour le parti que cette tendance à brocarder aujourd’hui ce qu’on a défendu hier. Je pense que nous devons continuer à défendre la réduction du temps de travail ou l’augmentation substantielle du pouvoir d’achat. Au moment où la droite s’attaque aux 35 heures via la loi sur les heures supplémentaires, au moment où l’UMP lance une réforme fiscale qui ne favorisera que les plus aisés, il n’est pas forcément judicieux de décrédibiliser des mesures phares de notre projet adopté à la quasi-unanimité.
Enfin, nous avons besoin de clarté. Lors de notre débat interne, nos trois candidats ont solennellement condamné toute alliance avec le centre-droit. Entre les deux tours de l’élection présidentielle, puis de nouveau lors des législatives, des camarades éminents sont revenus sur cet engagement avec un bel enthousiasme. Pour que notre débat soir utile, il faut que celles et ceux qui pensent que la stratégie de l’union de la gauche est dépassée assument leurs positions.
Clarté aussi à propos de la nature de notre parti. J’entends ici ou là des propos éplorés sur les « pesanteurs » de nos procédures, le caractère fastidieux de nos discussions internes, la paralysie que ferait subir à notre organisation le principe de la proportionnelle. Que souhaitent ces rénovateurs autoproclamés ? La suppression de la discussion militante au profit du seul alignement sur les sondages d’opinion ? la transformation du PS en parti de supporters tout juste bons à acclamer un(e) leader choisi par les medias ? L’éradication des courants de pensée ? Personnalisation, caporalisation, et centralisme démocratique : nous sommes un certain nombre à ne pas vouloir de ce parti -là !