Quand le dividende va, tout va!
Quelques jours après avoir annoncé des milliers de suppressions de postes dans Airbus, des milliers de commerciaux, ingénieurs, employés et ouvriers sur le carreau payant les erreurs de leur direction; en même temps qu'il annonce un chiffre d'affaire catastrophique pour EADS, Louis GALLOIS, qui fut paraît-il un jour un "grand patron de Gauche", précise que les actionnaires d'EADS auront eux bien "droit" cette année encore à leur dividende.
Que sont la misère et les souffrances de milliers de familles modestes face aux intérêts de quelques centaines d'actionnaires, souvent aussi nécessiteux que les LAGARDÈRE?!
Le capitalisme peut bien détruire l'outil industriel sur lequel il s'est construit, cela importe peu tant que l'on préserve la structure financière. Et pour la préserver, on la préserve, puisque le même GALLOIS a bien insisté pour dire que nul besoin n'était d'une recapitalisation: point d'arrivée d'argent public, qui diminuerait mécaniquement les bénéfices des actionnaires.
Bien sûr, le calcul est à court terme, puisque sans outil industriel, point de rente, mais diable, il y aura bien de nouveaux entrepreneurs à aller plumer demain. Car la finance est infidèle et n'hésite pas à abandonner aujourd'hui celui qui lui a tant rapporté hier.
Bien sûr, le calcul est à court terme, mais l'on ne vit qu'une seule fois: cette financiarisation de l'économie durera bien le temps de sa retraite dorée, et nous laisserons à d'autres le soin de répondre à ses centaines de milliers aujourd'hui, millions demain d'ouvriers et employés jetés comme des kleenex utilisés jusqu'à inutilité; et nous laisserons à d'autres le soin de sauver la démocratie, s'ils le souhaient encore, face à la peste brune nourrie de la frustration, de la haine et de la revanche sociale de tous ces millions de déclassés, de familles paupérisées.
La crise à Airbus et EADS nous apprend beaucoup sur le fonctionnement de ce capitalisme écoeurant. Elle est aussi très éclairante pour notre campagne présidentielle franco-française.
Regardons les analyses des différents candidats.
Marie-Georges BUFFET propose de repasser sous giron public. Je souscris, même si je n'y crois pas, pas sans l'accord impossible des gouvernements allemand, espagnol et britannique. Au moins sa proposition aurait-elle pu être l'occasion, si les media n'étaient pas dominés par la pensée unique libérale, d'un débat sur le rôle de l'État comme capitaine d'industrie. Car Airbus et EADS ont bien été une réussite de l'actionnariat public, avant qu'un Noël FORGEAT nommé au forceps par CHIRAC pour imposer un management "moderne", avant que la sous-traitance, cheval de Troie de la financiarisation contre les grands groupes publics, avant que tout cela ne conduise à la catastrophe industrielle que nous avons constaté.
Philippe De VILLIERS et Jean-Marie LE PEN eux multiplient les fuites en avant, pour mieux cacher leur programme économique ultra-libéral. LE PEN, qui ne veut pas décevoir les ouvriers qui l'ont plébiscité en 2002 (24% des voix ouvrières) dit qu'il ne connaît pas suffisament le dossier et ne peut donc pas se prononcer (sic), les 2 accusent l'Europe sans trop de raison, proposent un plan d'industrialisation sans trop l'expliquer. L'enjeu émotionel est trop fort pour avancer démasqué.
Ségolène ROYAL propose un nouveau pacte actionnarial, ce qui est nécessaire s'il s'agit de redonner sa place à la puissance publique aux dépens des actionnaires privés sur-représentés. La survalorisation du gouvernement allemand ne me dérange elle pas: c'est un geste européen concret, qui ne porte pas à conséquence car Berlin a aussi tout intérêt que Paris à préserver les emplois donc l'outil industriel. La candidate socialiste propose également une recapitalisation via les Régions françaises. Et pourquoi pas effectivement permettre aux collectivités territoriales dont on demande tellement en terme de prêts à l'installation, d'efforts fiscaux, d'aménagement des sites, pourquoi pas leur permettre de disposer d'un rôle décisionnel dans la direction de ces entreprises si promptes à réclamer?
Restent Nicolas SARKOZY et Fraçois BAYROU. Car il convient de les mettre ensemble, sur la forme et le fond. Sur la forme, les 2 on fait marche arrière sur leurs propositions originales, face au risque électoral d'un mécontentement social. Sur le fond, les 2 ont proposé originellement la même chose: pas de nouveau pacte actionnarial, pas de recapitalisation publique et remise en cause du rôle de l'État comme actionnaire et donc décisionnaire. Contre toutes les évidences qui ont fait d'EADS un succès de l'investissement public, les 2 candidats de Droite ont fait reposer les erreurs d'une direction idéologiquement libérale sur les gouvernements dont le tord est justement de n'avoir pas joué leur rôle d'actionnaire majoritaire, pour ne pas déplaire à la minorité actionnariale privée.
La crise Airbus nous a rappelé l'arrogance du capitalisme financier. Elle a aussi été l'occasion de souligner qu'en matière économique il n'y a pas de différence entre un BAYROU et un SARKOZY, les 2 prônent le moins d'État possible, le plus d'actionnaires privés possibles. Ce ne fut pas un hasard si en 1995 les 2 se sont retrouvés derrière Edouard BALLADUR, ce n'est pas un hasard si aujourd'hui les 2 se moquent des salariés licenciés pour d'abord profiter du drame humain qui se joue pour mener leur combat idéologique contre la puissance publique.