Ne pas déranger, svp!
C'est que le rythme militant n'est pas toujours facile à assumer (ou à supporter physiquement), quand il s'agit de parvenir à concilier obligations professionnelles, vie sociale (lorsqu'il vous en reste une après toutes ces réunions et mobilisations), temps personnel et bien sûr -donc- temps militant, temps qui n'est pas le moins exigeant en quantité.
Le rythme qui est conduit alors est un peu interrogateur sur notre tendance au masochisme: depuis plus d'un mois, cela ne fait pas un week-end sans que, après toutes les réunions de semaine, mon samedi ou mon dimanche soient sacrifiés à une cause militante ou une autre.
De quoi je me plains, je suis volontaire pour cela?!
Effectivement, je suis volontaire pour cela, je le fais par conscience sociale, non par conscience morale ou nécessité de me créer une vie sociale, je ne le fais pas pour en être remercié. Ce point là est clair.
Il n'en reste pas moins que ce militantisme est une somme de sacrifices consentis importante, c'est pourquoi, à défaut de reconnaissance, certains gestes ou propos de mépris ne lassent pas de me faire bouilloner le sang.
Ce dimanche encore, une amie me transmets discrètement le courrier d'un homme que je ne connais pas, qui ne connait pas le problème qui a fait que je ne pourrai pas être ce mercredi parrain républicain d'une famille menacée d'expulsion, et cet homme se permet pourtant de se "lâcher" sur mon incompétence, prenant soin de bien citer mon nom alors que nous ne nous sommes jamais rencontrés, de me faire une leçon de militantisme lui que je n'ai rencontré à aucune mobilisation.
Une telle attitude est anecdotique et m'inquiète plus sur le caractère de cette personne qu'autre chose.
Ce qui m'énerve plus sérieusement, c'est ce discours populiste contre l'engagement. Faire signer une pétition, faire grève pour défendre les conditions d'éducation des élèves donc des enfants des autres, manifester pour défendre un droit, se battre pour que des salariés n'aient pas à travailler les dimanches pour pouvoir gagner correctement leur vie,? Cela dérange les uns et les autres dans leur égoïsme, et surtout dans le premier de leur droit, celui de consommer.
L'ambiance est au ras-le-bol et au nombrilisme: sa colère sociale, on l'a tourne contre ceux qui agissent pour que cela change un peu, et plus contre ceux qui sont les causes de l'ordre actuel d'injustice sociale.
Il faut dire, la propagande néo-libérale, développée par une grande part du patronat et de la classe sociale dirigeante, appuyés par la Droite, mais aussi soutenenue par certains qui se croient à Gauche, a bien préparé le terrain depuis 20 ans: on ne peut pas tout faire; c'est la crise; la France n'a jamais été aussi riche mais la Nation ne peut plus financer la solidarité nationale; les patrons n'ont jamais été aussi riches mais il faut que ce soient les salariés qui fassent les efforts pour maintenir la compétitivité des entreprises; le pays attire les capitaux étrangers mais il faut à tout prix baisser les impôts sur le revenu pour les catégories supérieures où tous nos millionaires vont fuir le territoire national;?
Tout cela conduit chez le politique à un discours du moins disant social: l'État ne peut pas tout faire, on ne doit promettre que ce qu'on peut faire donc autant en promettre le minimum.
Samedi soir, j'entrapercevais dans l'émission de RUQUIER le ministre COPPÉ et l'ancien ministre TAPIE, qui se disputaient pour savoir lequel des 2 prônait le plus le désengagement du politique: les Français ne nous font plus confiance, et ils ont raison; il faut redonner la parole au citoyen, vive le jury populaire de citoyens experts pour contrebalancer le pouvoir des conseils d'administration des multinationales;… Sur quoi Éric ZEMOUR, maintenant plus connu pour ses discours machistes rétrogrades que pour son sarkozysme masqué en homme d'honneur anti-système CHIRAC, répétait à l'envie: on n'est plus dans les années 60-70, aujourd'hui, le politique n'a plus de compétence sur l'économie!
Moi qui ai naïvement toujours cru que l'économie était une construction sociale dont nous devions décidé de l'organisation selon la finalité que nous lui réservons!! Me voilà bien démenti par ces grands démocrates!!
Que le politique ne soit pas un sur-homme ou une sur-femme, c'est de bonne évidence. Mais si les citoyens ne croient plus en lui, n'est-ce pas plus parce qu'il n'agit plus? Les outils existent, encore faut-il vouloir les utiliser. Les outils existent, encore faut-il croire que l'on peut les utiliser.
La génération actuelle des politiques de Gauche s'est convaincue qu'elle ne pouvait plus agir sur l'économie. Qu'elle ne soit pas surprise que les citoyens ne lui fassent plus alors confiance: à quoi bon désigner des gens qui se résignent à ne rien faire du pouvoir qu'on leur offre.
Et que cette génération ne croit pas qu'il suffira d'un peu de populisme politicien pour changer les choses, d'abandonner le discours social pour un discours moral et quelques mesurettes sociétales. À moins de croire que les Français, après 20 ans d'absence de pédagogie politique, sont définitivement murs pour l'ultime décérébration politique.
Car à moyen terme, une nouvelle forme de pédagogie politique se mettra en place -je crois même qu'elle émerge aujourd'hui lentement- qui redonnera aux citoyens le sens de la politique et de la confrontation sociale, et les leviers politiques de contrôle.
Mais à court terme, beaucoup de personnes se tournent vers le politicien qui prétend encore pouvoir changer les choses pour eux: LE PEN! Il n'est que le fruit de l'espérance dans les politiques accompagnée par une absence de pédagogie politique par les grands partis.
Si certains croient que le politique ne peut pas quelque chose, qu'ils soient cohérents avec eux-mêmes, qu'ils laissent la politique à ceux qui pensent qu'elle peut quelque chose, qui ne pensent pas que la démocratie doit être abandonnée à quelques conseils d'administration. Les Français attendent de leurs élus -je pensent- qu'ils fassent de la politique.
Par instinct on va vers le plus simple, par culture vers le meilleur; réapprenons à être dérangés et dérangeants.