Le Silence de la Mer
En quelques heures, je viens de relire le Silence de la Mer, bref roman de Vercors.
Résumé l'oeuvre, c'est expliquer tout l'intérêt qu'un militant peut y trouver. Durant la Seconde Guerre Mondiale, un vieil homme et sa nièce voient leur maison réquisitionnée pour loger un officier allemand; un Allemand, et pas un nazi.
C'est un homme épris de culture, musicien qui pense que son pays a donné à l'humanité ses plus grands compositeurs pendant que la France lui fournissait ses meilleurs écrivains. Il rêve donc d'une réconciliation, d'une union des 2 nations, que symbolise ses sentiments pour la jeune Française.
Une permission à Paris, lui renvoie ce qu'est la réalité de l'occupation et les projets pour l'Europe des dirigeants nazis.
"Face" à lui, les 2 Français, sûrement plus patriotes qu'anti-nazis, opposent dans un accord spontané et implicite leur silence: il ne diront mot à cet occupant trop poli.
Mais l'humanité de l'Allemand -et l'amour que ressent la jeune Française- les destabilise. Ne sont-ils pas eux plus monstrueux que leur occupant?
Les lignes se troublent jusqu'à se rompre. En quelques dizaines de page, Vercors écrit un émouvant texte, dédié à la paix et à l'humanisme.
Une oeuvre à placer dans les mains de nombreux faucons et sectaires de toutes sortes.
Surtout quand on relève le contexte de la publication de l'oeuvre. 1er ouvrage des Éditions de Minuit, nées dans la Résistance, le roman est attaqué, parfois violemment, pas plusieurs résistants aux justes motivations. Ce texte n'est-il pas une oeuvre de Collaboration? En pleine guerre, peut-on publier un tel récit glorifiant -car l'humanisant- l'ennemi?
Cette polémique paraît aujourd'hui vaine, face à la qualité de l'oeuvre et avec 60 ans de recul. Elle nous rappelle pourtant combien les frontières entre le juste et l'injuste sont minces et à quel point nous sommes tous prisonniers de nos sentiments dans les situations complexes présentes.
Le Silence de le Mer garde aujourd'hui toutes ses qualités littéraires mais aussi son actualité intellectuelle et éthique, et devrait être vivement conseiller à tous, militants et décideurs en premier, pour une petite leçon de modestie et de générosité...