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Causes et conséquences

Publié le par Stéphane GOMEZ

     "Tu ne trouveras pas de soutien de ma part pour un homme politique de 1er plan qui a fait reculer la construction européenne de 10 ans, peut-être bien plus…"

     Voilà comment un de mes camarades du Rhône explique à mon amie Anna pourquoi il ne soutiendra pas la candidature de Laurent FABIUS à l'investiture socialiste pour la présidentielle. Et Anna de me demander de formuler un brin de réponse. Alors voilà, je m'y colle, j'essaie de formuler un brin de réponse.

     À la vérité, la demande n'est pas facile, car il me faut revenir à des argumentations que je croyais déjà dépassées depuis plus d'un an. Mais puisqu'il le faut…

     Laurent FABIUS a-t-il été à lui seul l'auteur du résultat de ce référendum? Avec tout le respect que j'éprouve pour l'ancien Premier Ministre, je crois avoir contribué à ce résultat, moi et toutes les autres petites mains, tous les autres militants, qui de rédaction de tracts en prises de parole ont participé à ce rare phénomène de pédagogie populaire, qui a su retourner le sens du courant, retourner la force de media quasi-unanimement pour le "oui" (de quoi nous interroger sur notre pluralité médiatique, base d'un fonctionnement démocratique serein et efficace), retourner le vote d'instinct pour porter celui du coeur et de la raison.

     Si Laurent FABIUS est coupable de crime contre la construction européenne, nous sommes quelques dizaines de milliers de militants et 55% de votants à l'être avec lui.

     Le vote "non" est-il un arrêt de la construction européenne?! Mais qu'est-ce que la construction européenne? Une finalité ou un moyen?

     Si c'est une finalité, alors effectivement, ce vote "non" est un coup d'arrêt à la construction européenne, comme le serai tout vote négatif. Mais à ce compte-là, pourquoi ne pas proposer un référendum pour le rétablissement en Europe de la peine de mort? Le niveau actuel de l'opinion publique devrait aboutir à un "oui" unanime, quelle belle victoire alors de la construction européenne.

     Suis-je caricatural? Je ne crois pas, c'est plutôt ceux qui ont voulu dramatiser le vote "non", qui l'ont été. Que n'a-t-on pas alors entendu sur la fin de l'Europe et la fin du monde si ce mauvais texte n'était pas plébiscité. Combien n'ont pas dit que le texte ne les satisfaisait pas mais ils le votaient "pour l'Europe"?! Mais la construction européenne n'est pas une finalité, c'est un moyen au service de buts.

     Prenons un exemple simple: je dois partir sur une île tropicale (bon, supposons que j'en ai les moyens financiers); au moment de préparer ma valiste, parce que je n'ai pas encore de maillot de bain, dois-je commencer par mettre une parka? Certes, la valise sera bien remplie quantitativement parlant, mais le sera-t-elle bien qualitativement? Et même, n'y a-t-il pas risque que l'espace ainsi occupé m'empêche d'emporter shorts et maillots?

     Les citoyens français attendent de l'Europe qu'elle soit au service de leurs aspirations citoyennes et sociales. Si on leur propose un texte qui va en sens inverse, ils ont démocratiquement et donc légitimement le choix de le refuser. Une "avancée qui va dans le mauvaise sens", ça s'appelle aussi plus prosaïquement une "reculade".

     Ce qui nous amène à notre acceptation de ce vote des Français et des Françaises.

     Car enfin, je trouve assez étonnant, d'un point de vue démocratique, qu'on en soit encore à discuter le résultat des urnes. Cela me rappelle ceux et celles qui nous expliquent que le texte était trop compliqué pour qu'on laisse le peuple s'exprimer dessus, ou que si le prochain président de la République est un ancien partisan du "oui" cela vaudra quitus,…

     Quel mépris du peuple et que aveuglement anti-démocratique. Le peuple s'est exprimé. On peut regretter ce choix, comme j'ai regretté en 2002 de devoir choisir au 2ème tour de la présidentielle entre le borgne LE PEN et CHIRAC le sourd, mais c'était là l'expression démocratique du peuple, et plutôt que de jeter des anathèmes faciles et stériles, il convenait alors de s'interroger sur le sens de ce vote.

     Pour le référendum de 2005, ma démarche est la même: je comprends que certains soient déçus du résultat mais qu'ils acceptent le résultat démocratique et qu'ils s'interrogent sur le sens de ce vote "non" de 55% des Français(es). À plus forte raison s'ils sont de Gauche: qu'ils se demandent pourquoi les 2/3 des électeurs de Gauche (y compris des sympathisants socialistes en la matière), eux qui sont profondément européens et internationalistes, ont réfusé ce texte.

     Ils ont compris que ce texte -pour simplifier le propos aujourd'hui- constitutionnalisait le dogme libéral et empêchait la construction de toute Europe politique et sociale. Les Français(es), le peuple de Gauche n'ont pas voté contre l'Europe, ils ont voté contre le libéralisme et pour l'Europe, leur vote était mature et ce sont leurs dirigeants politiques, majoritairement incapables de remises en cause et d'esprit critique qui manquent de cette maturité.

     Ce n'est pas Laurent FABIUS et les partisans du "non" qui ont fait reculé la construction euroépéenne, ils l'ont au contraire sauvée d'un traité dangereux, liberticide, asocial et antidémocratique. C'est cette "consitution européenne" qui risquait de stopper et même faire reculer l'unité européenne.

     Le sens de ce vote, Laurent FABIUS l'a compris et l'a anticipé, il a eu ce recul critique et ce réflexe démocratique sur lui-même qui en fait aujourd'hui le porteur de la "ligne de Gauche" au Parti Socialiste, insistant sur les questions sociales, d'emploi, de pouvoir d'achat, de logement, d'éducation ou de laïcité. Et c'est pourquoi, moi le popereniste, moi l'"archaïque" socialiste face à la "modernité" (sociale-) libérale je me sens serein pour le soutenir: il est le candidat qui aujourd'hui répond à l'attente sociale, européenne et démocratique des Français et des Françaises.

     Salut fraternel, salut socialiste…
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