QUAND ON VEUT TUER SON CHIEN, ON DIT QU'IL A LE BAC.
Il y a quelques semaines déjà, dans ce même blog, je publiais un post sur les rythmes scolaires, dont l'exceptionnelle pertinence mériterait qu'il soit re-cité intégralement. Mais ne doutant point que vous connaissez déjà par coeur ma prose et dans un soucis de feinte modestie, je n'en citerai qu'un passage relatif au baccalauréat.
« Ce qui nous amène à tout ce que ne nous dit pas la proposition de réduction des congés d'été à 6 semaines avec zonage : quiddu bac ? On n'imagine pas que certains lycéens passent le bac 2 semaines avant les vacances, pendant que d'autres le passeraient 4 semaines avant pour revenir ensuite 2 semaines en cours (sans poser d'ailleurs la question légitime du temps de correction par les professeurs). Donc, le zonage des vacances d'été c'est aussi le zonage des examens et notamment du baccalauréat ? Finie la grande épreuve commune à toutes les lycéennes et tous les lycéens de France, qui faisait que le taux de réussite n'était pas le même au Lycée Robert Doisneau de Vaulx-en-Velin et au Lycée du Parc de Lyon 6, mais qui faisait que les bacheliers de Vaulx-en-Velin équivalaient les bacheliers de Lyon 6 ?! Le contrôle continue remplaçant l'épreuve commune et nationale du baccalauréat, ce n'est pas qu'un rite de passage qui disparaît, c'est un outil de l'égalité des chances, et quand on parle de l'intérêt de l'élève cela lève une inquiétude forte ».
En ce jour de proclamation des résultats et du taux de réussite, constatons encore une fois que le baccalauréat fait partie des marronniers du mois de juin : les révisions, les résultats, ceux qui stressent, ceux qui sont zen, ceux qui l'ont, ceux qui ne l'ont pas, ceux qui iront au rattrapage, ceux qui rient, ceux qui pleurent, ceux qui ni ne rient ni ne pleurent, et entre les 2 phases des révisions et des résultats, les reportages et articles sur les candidats les plus jeunes, les plus vieux, les plus jumeaux ou triplés, les plus faussement atypiques quoi, etc...
Cette année aura pourtant presque dérogé, puisque pendant plusieurs semaines les reportages se sont plus concentrés sur les plus tricheurs, sur les plus coûteux, sur les plus magouilleurs. Cette année, on a le droit dans les reportages à la brave mère de 52 ans qui veut se faire passer aux épreuves pour sa fille de 18 ans, à l'Académie qui demanderait aux professeurs correcteurs de sur-noter les candidats, et du coup à l'intérêt du baccalauréat, de ce diplôme tellement démocratisé qu'il ne permet plus de sélectionner et d'orienter, à ce bac qui faute de permettre sélection et orientation crée des illusions et des déceptions, à ce bac qui n'a pas le même taux de réussite à Vaulx-en-Velin, Vénissieux, Lyon 6 et Charbonnières, à ce diplôme qui coûte si cher à organiser, trop cher à organiser.
Et alors, la question revient lancinante, sous-entendue, entendue, puis finalement murmurée, posée, affirmée : À quoi sert le baccalauréat ? Faut-il supprimer le baccalauréat ?
Le baccalauréat tel qu'il existe est-il imparfait ? Peut-être. Faut-il le réformer ? Pourquoi pas. Je n'aime pas les tabous, la question de la réforme du baccalauréat peut se poser comme peut se poser toute question. Mais soyons alors clair sur les objectifs pour être clair sur les questions à poser.
Veut-on supprimer le baccalauréat, pour des raisons financières ? Ou estime-t-on qu'il faut garder le baccalauréat, non pas (pas seulement en tout cas) comme rite de passage et pallier de sélection ?
Le baccalauréat ne reproduit pas les inégalités sociales et socio-culturelles, il les constate ! Il n'est pas la fièvre, il est le thermomètre. Oui, le taux de réussite n'est pas le même à Vaulx-en-Velin et à Lyon 6ème, mais ce n'est pas la faute du bac, c'est la faute de ce qui vient avant le bac ! C'est la faute d'une société construite sur les inégalités et qui s'évertue à les reproduire. C'est la faute d'un système scolaire qui reconnaît une certaine forme de culture, une certaine forme de mérite, une certaine forme de société.
Supprimer le baccalauréat, ça ne remettra pas à niveau les jeunes vaudais et les jeunes lyonno-sixiens, cela ne fera que masquer le problème, donc l'aggraver : un jeune qui a le baccalauréat est un jeune qui a le baccalauréat, qui l'ai eu à Vaulx-en-Velin, à Vénissieux, à Lyon 6 ou à Charbonnières. C'est un diplôme national, sur les mêmes sujets, quelque soit le lieu où on a étudié. Sans le bac, sur quoi distinguerons-nous les jeunes lycéens ? Sans critère objectif, il faudra en chercher des subjectifs, par exemple le lieu où le lycéen a étudié et donc, entre un ex-lycéen de Vaulx et un ex-lycéen de Lyon 6, lequel privilégiera-t-on ? Puisque le point de départ de la suppression du baccalauréat était le fait que le niveau n'est pas le même à Vaulx-en-Velin et à Lyon 6, la conséquence de sa suppression sera de privilégier…
Le baccalauréat tel qu'il est ne manque par d'imperfections, mais il est aujourd'hui le moins pire des outils d'évaluation et d'orientation. Et il est surtout un révélateur de tout ce qui ne va pas. Aujourd'hui, le débat sur l'inefficacité du baccalauréat est souvent un débat biaisé ou hypocrite : en fait, c'est la question du coût qui est posé ; pour ses détracteurs, le bac n'est pas trop cher pour le service qu'il offre, le bac est trop cher, en absolu.
Tout le débat pédagogique ou sur les rythmes est donc un cache sexe, mais casser un thermomètre n'a jamais fait baisser la fièvre. Le bonne médication est celle employée par le Ministre de l'Éducation Nationale, Vincent PEILLON : réformer dès la base, dès la maternelle et la primaire, notre système scolaire, pour l'améliorer progressivement. Cela prendra du temps, surtout après l'aggravation connue sous le règne de Nicolas SARKOZY, avec 80 000 postes supprimés, la fin de la formation des professeurs,… Cela aura aussi un coût, c'est un choix de société. Le contenu des réformes proposées peut ensuite bien sûr être critiqué, je n'adhère pas à toutes, loin de là, mais la méthode au moins me semble la plus efficace.
Alors, en ce jour de résultats, vivent les bacheliers, vivent les candidats malheureux, et vive le bac !