L'âge de Pierre

L'hommage fut bref et émouvant, celui d'un François à celui qui fut le premier Premier Ministre d'un autre François, sont prédécesseur socialiste président de la Répûblique.

Tout a été dit ou presque sur le personnage, l'homme qui, malgré la trahison de 1979, est appelé par François MITTERRAND pour être le Premier Ministre qui portera la retraite à 60 ans et la 5ème semaine de congés payés, les lois Auroux et la réduction du temps de travail, les nationalisations et la hausse du SMIC, l'abolition de la peine de mort et la dépénalisation de l'homosexualité, la libéralisation des ondes et la Fête de la Musique. L'homme aussi qui fit entrer des communistes au gouvernement (si, si, des méchants rouges sanguinaires, en pleine Guerre Froide, alors que les chars soviétiques ne sont qu'à quelques heures, bon peut-être plutôt quelques jours de la France, et encore, à condition qu'il n'y ait pas de combats), gouvernement avec lequel il fit le tournant de la "rigueur" et du choix de l'Europe, quand déjà on faisait rimer "construction européenne" et "rigueur" (et tant pis pour le sens à donner à cette construction européene et pour l'impact sur les populations d'une Europe qui se bâtit dans l'austérité et les reculs sociaux), quand déjà les socialistes devaient redresser l'économie capitaliste pour mener leur projet social, économie capitaliste laissée dans un état catastrophique par la Droite, celle qui est sensée savoir la gérer, savoir mieux faire avec l'argent.

Tout a été dit ou presque sur le pesonnage, sur quoi revenir alors? Les souvenirs personnels? Dire que je l'ai bien connu sera parjure. Je l'ai rencontré, plusieurs fois, entendu. Ces dernières années, chacun pouvait alors découvrir un géant fragile. Le pas lent, cette forte stature courbée, la voix plus faible, plus faible mais sans hésitation. Pierre MAUROY restait un homme clair, convaincu et convaincant. Il n'incarnait pas forcément le socialisme que je défendais, mais il incarnait une dméarche qui est celle des socialistes, qui est la mienne, d'inscrire son action dans sa réalité. L'action politique ce n'est pas seulement dire où on veut aller, c'est de savoir où on est pour tracer le chemin vers où on veut aller. Cette lucidité n'empêche pas les audaces et l'ambition réformatrice, cette lucidité la rend possible car elle est bâtie sur les fonds solides de la réalité plutôt que les sables mouvants de l'imagination. Être ambitieux, c'est partir du réel.

Tout a été dit ou presque sur le personnage, alors ne soulignons qu'une dernière fois la force morale du personnage, de ce tribun servit par un physique incroyable, qui incarnait dans son corps la volonté massive et populaire du Nord et de la Nation. Condamné, Pierre MAUROY?! Oui, après 40 ans en responsabilités aux plus hauts niveaux, on a fini par lui trouver de quoi le condamner à une amende avec sursis, c'est dire s'il fallait quand même dire de le condamner à quelque chose quand au départ la procédure contre lui portait pour abus de biens sociaux en bande organisée. Ce n'est même pas une tâche de gras sur le col après des agapes populaires, ce n'est pas de quoi salir l'image de cet homme qui incarnera une figure morale non pas seulement du socialisme, mais de toute l'action politique, de probité et d'action, qui incarnera pour toute une génération et au-delà l'espérance réalisée de changer la vie, l'ouverture d'une voie sur laquelle il faut maintenant continuer à cheminer.

Relisons ou écoutons avec émotion son discours d'octobre 2010, alors prêt à quitter le Sénat, menant son dernier combat, la sauvegarde de la réforme "la plus importante" de son action politique, celle de la retraite à 60 ans, concluant, il lance: "Vous oubliez facilement quelles ont été les attentes des peuples, ses revendications et ses combats". L'avertissement fut pour la Droite, il vaut pour tous les politiques. N'oublions pas les combats du peuple, pour quoi et pour qui nous nous engageons. Salut Pierrot, nous n'oublierons pas, nous continuerons la lutte et nous continuerons à changer la vie!