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IL ÉTAIT UN DÉMOCRATE, PIROUETTE, BARROSO,...

Publié le par Stéphane GOMEZ

 

José Manuel DURÃO BARROSO n'en est jamais à une sortie drolatique près. La dernière, sur la France réactionnaire, était parmi ses plus drolatiques, à la juste mesure du personnage : pitoyable et déplacée ! Elle résume à elle seule la gêne que porte aujourd'hui M. BARROSO pour l'Union Européenne qu'il est sensé représenter par les grâces d'une nomination en petit comité.

 

La sortie de M. BARROSO est gênante sur 2 points au moins, des points de détails : le fond et la forme !

 

D'abord sur le fond.

 

On connaît la rhétorique libérale de base, qui est de dire que tout ce qui n'est pas pour le libéralisme est conservateur. Notons la nuance : là la France n'est pas que conservatrice, elle est carrément réac ! Toujours très subtil, ce José Manuel !

 

Que cela empêche de dormir quelques ultra-libéraux, mais défendre un certain nombre d'acquis ou de pratiques ne relève pas du conservatisme mais bien d'une vision progressiste de notre société, une vision progressiste qui fait dire que tous les domaines n'existent pas que pour être livrés au marché. On peut exister pour être autre chose qu'un producteur ou un consommateur, et qu'en la sorte la création culturelle est par excellence un domaine qui peut ne pas être livré aux seules lois du marché et des intérêts financiers et égoïstes de quelques requins aussi avides que nombrilistes.

 

Ne soyons pas naïfs : oui, la culture est aussi un espace commerçant, et on ne fait pas des films que pour la beauté du 7ème art, on ne devient pas chanteur après avoir tenté la « Nouvelle Star » que pour l'émancipation intellectuelle et morale de l'Humanité, non mais allô quoi ! Mais cela pose un 2ème point dans la question des relations commerciales avec les États-Unis d'Amérique. Qu'en tant que produit commercial la culture soit aussi ouverte aux échanges, en distinguant ce qui relève plus du commercial et ce qui relève plus de la création artistique est une chose. Il en est une autre d'abandonner toute protection avec celles et ceux qui eux continuent de se protéger !

 

L'Union Européenne s'est bâtie sur « l'exemple américain » du dogme de la non-concurrence. Or, s'il est bien un pays protectionniste sans avoir l'air d'y toucher, ce sont les États-Unis d'Amérique : Washington est pour le libéralisme… quand ça l'arrange ! Quand la machine hollywoodienne peut tout rafler dans le domaine « culturel », alors « pas de barrière », quand la sidérurgie est menacée, alors « halte au feu » et Washington multiplie lois et règlements pour protéger son marché ! Les Européens veulent s'inspirer du libéralisme états-unien ? Fort bien, mais c'est comme la Révolution française, dirait Léon BOURGEOIS, il faut le prendre dans son ensemble, c'est-à-dire pas seulement par les tranches qui nous intéressent mais en entier. Ou alors ? Ou alors on distingue, et les distinctions ne valent qu'avec des règles communes : ne soyons pas moins ni plus libéraux, et donc refusons -nous- de tout céder, pendant que d'autres -eux- protègent leurs marchés ! La règle commune, c'est bien, même si M. BARROSO trouve ça un peu « réac » !

 

Sur la forme.

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Qui est ce Monsieur José Manuel DURÃO BARROSO ? Quelques-uns se souviendront de l'ancien Premier Ministre portugais de 2002 à 2004, qui, à coups de « rigueur budgétaire » aux dépens de classes populaires qui pouvaient consommer et de défiscalisation aux profits des plus riches qui ne pouvaient guère plus consommer, a largement préparé le terrain à la crise économique profonde qui touchera quelques années plus tard le Portugal. L'aberration de sa politique ne manquera pas de faire que sa nomination en juin 2004 à la tête de la Commission Européenne surprendra, d'autant qu'en atlantiste forcené il coûtera avec l'Italie de BERLUSCONI 2 milliards d'euros à l'entreprise trans-européenne Airbus, en préférant un alignement aveugle sur les choix états-uniens. Rétrospectivement, cette petite affaire de soutien à un programme ou pas d'aviation européenne semble mieux expliquer son attitude actuelle vis-à-vis de Paris qui ne veut pas céder aux sirènes de Washington !

 

Il est toujours amusant de se prendre une leçon de choses politiques par un ancien responsable au bilan si catastrophique. Et dans cette phrase, ce qu'il faut retenir est moins « bilan catastrophique » que « ancien responsable » ! Car aujourd'hui, M. BARROSO, vous êtes qui ? Vous êtes quoi ? President de la Commission Européenne ? Fort bien, vous y avez été nommé ! Aujourd'hui, vous êtes un fonctionnaire de l'Europe, et -encore- un fonctionnaire nommé et non pas par concours.

 

Ne vous méprenez pas sur le sens du mot : contrairement à vous si l'on en juge par la politique que vous avez mené au Portugal, je n'ai rien contre les fonctionnaires, je serai mal placé pour le faire, en étant un moi-même. Mais en bon fonctionnaire, je connais mon rôle, que je distingue de celui que j'occupe comme militant politique ou comme élu. Vous voulez faire de la politique ? Fort bien, retournez devant les électeurs ! Les Portugais vous réserveraient sûrement l'accueil que vous méritez ! En attendant, laissez les élus du peuple, délégataires de la souveraineté populaire, faire de la politique. Vous trouvez la politique de François HOLLANDE absurde ? Oui, mais lui il est élu, vous vous êtes nommé !

 

La sortie de M. BARROSO est donc gênante sur 2 points au moins, le fond et la forme. Cela fait déjà beaucoup. Mais cela doit-il nous surprendre ? Cela fait longtemps que M. BARROSO est gênant. Pas par son impertinence, mais par son bilan ! Il est pourtant là, comme un bon thermomètre de la crise de la construction européenne : il ne servira à rien de casser le thermomètre tant que les dirigeants européens ne donneront pas à l'Union les médicaments qui la soigneront de son mal, de sa carence en vitamines démocratiques…

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