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ET C'EST LÉGITIME (2ème partie).

Publié le par Stéphane GOMEZ

 Au moment où je rédigeai mon précédent article, une nouvelle tombait qui m'amenait à conclure qu'un prolongement serait légitimement nécessaire à mes 1ères réflexions : le ministre de l'Éducation Nationale, Vincent PEILLON, annonçait la réduction à 6 semaines des congés estivaux et leur zonage. Vérifications faites, Vincent PEILLON n'annonçait que l'ouverture d'une réflexion sur le sujet, pour une application au mieux en 2015, mais on n'allait pas laisser quelques précisions de fonds empêcher un journaliste annoncer en exclusivité une information tronquée !

 

Le calme revenu, la Droite s'étant excitée, l'Extrême-Droite s'étant sur-excitée, et MELENCHON ayant critiqué puisque de toute façon, Jean-Luc, il faut qu'il critique, la réflexion sur le fond pouvait commencer, et c'est légitime.

 

Revenons alors au fond du débat : la mesure doit être centrée sur l'intérêt de l'enfant, c'est élgitime. À ce titre, je suis assez dubitatif sur l'intérêt de l'enfant à avoir 6 semaines de congés plutôt que 8. Pourquoi par 5 ou mêmes seulement 4 semaines, pourquoi ne pas rester à 8, ne pas revenir à 9 semaines ? Je sais qu'il y a sûrement des chrono-biologistes pour nous dire que c'est légitimement la bonne durée pour permettre à l'enfant de se reposer sans oublier avant la reprise, puisque de toute façon il y a toujours un chrono-biologiste pour nous dire que c'est légitimement la bonne durée. Mais de ma petite expérience me restent quand même quelques interrogations.64879_317783128344222_1350400565_n.jpg

 

D'abord, c'est quoi un « enfant » dans l'éducation, un maternel étant aussi proche du collégien que le primaire du lycéen ; cela n'empêche pas d'envisager un rythme unique de 3 à 18 ans.

 

Ensuite, quel est le but de cette pause estivale ? L'objectif est-il que l'élève revienne sans avoir désappris ? Alors supprimons aussi les vacances intermédiaires et les week-ends, car c'est une réalité assez universelle : le week-end suffit à à l'élève pour tout oublier, alors les « grandes vacances », n'y pensez même pas… D'ailleurs, je me demande même si à terme l'ambition ne serait pas légitimement aussi de supprimer les nuits, vu qu'il suffit visiblement d'une nuit pour tout désapprendre...

 

De mon expérience de pédagogue mondain, intermittent de l'Éducation Nationale et flutiste internationalement reconnu, j'aurai tendance à croire que l'importance de la pause estivale pour les élèves relève surtout de la rupture qu'elle marque. Rupture biologique dans le temps de travail. Rupture symbolique, comme un rythme de passage. La question de la durée entre 6 et 8 semaines n'est donc pas centrale, tant que la durée donc la force de la rupture symbolique reste pertinente, et à ce titre les 8 semaines valent tout autant que les 6 si ce n'est mieux.

 

L'enjeu, pour l'élève, de la réduction de la pause estivale serait donc dans une meilleur répartition dans l'année, avec des semaines plus courtes ou des pauses intermédiaires plus longues. Mais, là encore, la réduction projetée laisse dubitative, puisque les 2 semaines de réduction en été équivalent pour un collégien à 2 heures par semaine : ça semble légitimement peu pertinent de réduire la semaine de cours de 2 heures, sans impact concret. S'il s'agit de laisser les 2 heures par semaines tout en réduisant de 2 semaines en été, il s'agit alors de nous dire légitimement pour quoi.

 

En l'état, je ne vois donc pas le sens de cette réforme, mais c'est bien l'enjeu de la concertation qui est proposée par Vincent PEILLON, qui doit justement et légitimement lui permettre de lui donner corps.

 

Cette concertation, soulignons-le immédiatement, devra légitimement tenir compte des conditions de travail des professeurs. Oui, c'est légitime, un projet éducatif est d'abord fait pour les élèves. Mais il est porté par les professeurs, et j'ai toujours eu la naïveté de croire que de bonnes conditions de travail pour les professeurs font de bonnes conditions d'enseignement pour les élèves.

 

Et à ce titre, je vais radoter quelques réalités : les professeurs n'ont pas connu la réduction du temps de travail d'il y a presque 15 ans ; au contraire, de « reconquête du mois de juin » en réaménagements du calendrier, le début des vacances d'été a été reculé d'une semaine, c'est donc une semaine de travail de plus pour les enseignants qui ont vu en plus ces dernières années se multiplier les temps de « concertation » et de « réflexion transversale » sur ce qui était encore à un moment leur temps libre. Cette charge supplémentaire de travail s'est produite sans amélioration salariale depuis 10 ans, laissant les professeurs français parmi les plus mal payés d'Europe. Le tout s'est fait dans une dégradation générale du système scolaire, à coups de suppression de postes, de hausse des effectifs par classe, de pseudo-réformettes abracadabrandesques comme l'Histoire des Arts ou l'Accompagnement Scolaire, et de discours anti-profs portés par les ministres mêmes qui étaient censés défendre la fonction avec la mission.

 

Autant dire que la réduction des congés de 2 semaines des professeurs, sans amélioration sensible des conditions de travail et de rémunération augurerait mal du soutien au projet. Certes, l'intérêt de l'élève, c'est légitime, mais le professeur, comme toute bonne cruche, à force d'aller à l'eau… C'est légitime…

 

Tout cela pour nous laisser au point de départ. Ou presque, car au moins le débat du zonage est clairement posé. Depuis des années qu'on nous parle du rythme de l'élève et de la modification du calendrier scolaire, on ne nous avait jamais expliqué en quoi le zonage post-janvier était légitime ? Pourquoi, passée la chandeleur, le rythme de l'élève bordelais n'était plus celui de l'élève lyonnais, qui se distinguait de l'élève marseillais : chacun sa zone, tous en décalage, parce que visiblement certains n'avaient besoin que de 5 semaines de cours pour être fatigués quand il en fallait 7 à d'autres, et tous les 3 ans les rythmes des élèves s'inversaient puisqu'on inversait les zones… Au moins, Vincent PEILLON en la matière ne prétend-t-il plus faire semblant, assumant le rôle économique du zonage, et proposant aussi de l'introduire l'été, pour qu'au moins l'alternance période de cours – période de vacances devienne légitimement la même partout en France. Reste à savoir après l'effet pratique pour les parents donc les professionnels du tourisme de vacances réduites à 6 semaines, ne laissant plus qu'un mois entier pour leur choix de dates de départ, mais ça c'est encore un autre débat…

 

Ce qui nous amène à tout ce que ne nous dit pas la proposition de réduction des congés d'été à 6 semaines avec zonage : quid du bac ? On n'imagine pas que certains lycéens passent le bac 2 semaines avant les vacances, pendant que d'autres le passeraient 4 semaines avant pour revenir ensuite 2 semaines en cours (sans poser d'ailleurs la question légitime du temps de correction par les professeurs). Donc, le zonage des vacances d'été c'est aussi le zonage des examens et notamment du baccalauréat ? Finie la grande épreuve commune à toutes les lycéennes et tous les lycéens de France, qui faisait que le taux de réussite n'était pas le même au Lycée Robert Doisneau de Vaulx-en-Velin et au Lycée du Parc de Lyon 6, mais qui faisait que les bacheliers de Vaulx-en-Velin équivalaient les bacheliers de Lyon 6 ?! Le contrôle continue remplaçant l'épreuve commune et nationale du baccalauréat, ce n'est pas qu'un rite de passage qui disparaît, c'est un outil de l'égalité des chances, et quand on parle de l'intérêt de l'élève cela lève une inquiétude forte, et c'est légitime…

 

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