DU DROIT À L'ENFANT.
Au moment où il semble certain que l'ouverture du droit au mariage pour les couples homosexuels sera votée ; au moment où il semble certain que l'Égalité va encore progresser ; au moment où l'Extrême-Droite se déchaîne, par une homophobie légitimée par l'UMP ou autre Christine BOUTIN, par une haine de la République qui dépasse largement la question du mariage pour tous et de l'égalité des droits ; à ce moment là, un autre point retient mon attention, ou plutôt une comparaison, avec la baisse annoncée des allocations familiales pour les familles les plus aisées. La mise en parallèle des 2 actualités retient mon attention, car dans les 2 cas le débat renvoie à la question du droit à l'enfant, avec des conclusions qui varient de manière surprenante chez certaines et certains.
Partons du point de départ, le droit de l'enfant. Il est évident que le droit de l'enfant prédomine le droit à l'enfant, et si j'avais la moindre hésitation sur le fait qu'il serait nocif pour un enfant d'être élevé par un couple d'hommes ou de femmes, je pourrai être bien sûr toujours pour l'union civile pour les couples d'homosexuels, mais je m'interrogerai sur le droit à l'adoption ou à la PMA. Or s'il est bien une chose certaine, démontrée par les études scientifiques (notamment réalisées en Amérique du Nord), par les études scientifiques (avec comparaison des taux de réussite scolaire, de morbidité, de bien être social,…) et non pas par quelques « analyses » de pédopsychiatres par ailleurs prêtres et proches de l'Opus Dei (suivez mon regard…) ; s'il est bien une chose certaine, démontrée par les études scientifiques sur le sujet, c'est que d'être élevé par un couple d'homosexuels n'a aucune incidence négative (ou même positive, d'ailleurs) sur l'enfant ; la seule chose dont souffre un enfant élevé par un couple d'hommes ou un couple de femmes, ce n'est pas de l'homosexualité de ses parents, c'est de l'homophobie dont souffrent ses parents. Le droit à l'enfant des couples d'homosexuels n'est pas contradictoire, bien au contraire, au droit de l'enfant.
Il s'agit, bien sûr, dans ces études, de moyennes statistiques, mais c'est le défaut propre de ces études lorsqu'on y introduit cet élément statistiquement instable qu'on appelle l'être humain. La vie d'un enfant, c'est son individualité y compris dans son parcours, il y a (point de futur à utiliser en prévision du futur vote de la loi sur l'égalité : les enfants de familles homoparentales sont déjà là!) des enfants élevés par des couples de même sexe qui s'en sortent « bien » ou qui s'en sortent « mal », comme il y a des enfants élevés par des couples de sexes différents qui s'en sortent « bien » ou qui s'en sortent « mal », parce c'est le caractère de l'enfant, parce que ce sont les circonstances sociales et les circonstances sociétales, parce que c'est l'éducation des parents, et il y a des « bons » parents homos, comme il y a des « mauvais » parents homos, comme il y a des « bons » parents hétéros, comme il y a des « mauvais » parents hétéros. La seule différences entre les 2 types de couple, c'est que jamais l'enfant issu d'un couple homosexuel n'est le résultat d'une nuit de beuverie, d'un accident de capote, d'un oubli de pilule, d'un stérilet défaillant ou d'un coup de tête ; l'enfant d'un couple d'hommes ou d'un couple de femmes n'est jamais un accident, c'est toujours le long fruit d'un parcours et d'un projet parental. Cela ne rend bien sûr pas ces parents moralement meilleurs, mais en tout cas ne les infériorise pas, ni moralement ni dans la construction de leur projet parental, car à coup sûr elles et eux en ont un !
Parallèlement (puisque l'idée du jour était bien de mettre en perspective avec le débat sur le projet du gouvernement de Jean-Marc AYRAULT de baisser les allocations familiales pour les foyers les plus aisés), posons-nous la question du sens des allocations familiales aujourd'hui. À l'origine, il s'agissait de repeupler la France, surtout en soldats par ailleurs, et donc -égalitarisme républicain aidant- tout le monde y avait le droit de la même manière, car tout le monde avait un droit à l'enfant. Enfin, tout le monde : les couples d'hétérosexuels, s'entend… Il fallait alors, il y a un siècle, envoyer un message politique fort : dans une France de l'État minimal, l'État s'engageait à intervenir dans la vie privée, à s'immiscer dans les familles en incitant à avoir un enfant : vous avez un droit et même un devoir à l'enfant. Aujourd'hui, il ne faut plus des enfants pour faire des soldats, mais la logique se maintient : dans l'intérêt de la Nation, on est incité à avoir un enfant. Les allocations familiales relèvent fondamentalement d'une logique du droit à l'enfant !
Les allocations familiales relèvent fondamentalement d'une logique du droit à l'enfant, sauf si on les module ! Lorsqu'on ne les verse qu'aux foyers modestes, comme proposent aujourd'hui de le faire Jean-Marc AYRAULT et Dominique BERTINOTI, ministre en charge de la Famille, alors on assure aussi le droit de l'enfant, changeant la perspective de l'allocation : il ne faut pas qu'un projet parental n'aboutisse pas ou aboutisse mal pour des raisons matérielles, ce n'est pas l'intérêt de l'enfant. Une famille aisée n'a pas besoin pour l'enfant d'un soutien financier ; maintenir celui-ci, c'est seulement affirmer qu'elle a aussi droit à l'enfant (ce que personne ne conteste), pas se soucier du droit de l'enfant, matériellement assuré par ailleurs. Introduire la progressivité dans les allocations familiales, c'est les faire basculer du droit à l'enfant vers le droit de l'enfant.
Le rapprochement dans l'actualité entre les 2 débats, l'homoparentalité d'une part (dont il faut encore et toujours souligner aux esprits obtus qu'elle est déjà une réalité), la baisse des allocations familiales pour les foyers aisés d'autre part, permet avec ironie de souligner les motivations des Hervé MARITON, Christine BOUTIN et autres Virginie TELLENE (dont toutes les vidéos qui circulent montrent à quel point la nouvelle égérie de la morale réac est plus barjot que frigide…). D'un côté, au nom du refus d'un droit à l'enfant, il ne faut pas que les couples d'homosexuels puissent avoir d'un enfant, quand bien même ce n'est pas contradictoire avec le droit de l'enfant. De l'autre côté, au nom du droit à l'enfant, il faut que les couples d'hétérosexuels aisés puisse toucher des allocations familiales quand bien même ce n'est pas nécessaire pour le droit de l'enfant.
Voilà bien un grand écart difficile à théoriser, en tout cas difficile à théoriser si le seul soucis est le droit de l'enfant sur le droit à l'enfant ! De là à croire qu'en fait il y a à leurs combats une autre motivation…