Affreux, bêtes et méchants
Prenons une "simple phrase": "Il faut s'interroger sur les problèmes que posent ces gens là, les Lyonnais". À peu de doute près, cette simple phrase provoquerait un retentissant scandale, nul ne se contenterait pas de simples excuses après une phrase aussi stigmatisante, un amalgame honteux qui caractérise et condamne tout un groupe à partir des comportements deviants que peuvent éventuellement avoir certains de ses membres.
Re-prenons cette "simple phrase", et plutôt que de parler des Lyonnais ou des Auvergnats, parlons des gens du voyage. Qui pour réagir? Quelques militants désoeuvrés en cette période estivale, qui nourrissent "les discussions mondaines entre droits-de-l'hommistes professionnels" (dixit le 23 octobre 2002, déjà sur les gens du voyage, le ministre de l'Intérieur Nicolas SARKOZY, sommé de s'expliquer sur les propos d'un Préfet qui dénonçait les "gens qui vivent d'escroquerie et de rapine", le Préfet en question était GIROD de LANGLADE, condamné depuis pour racisme!).
Car s'il y a quelque chose qui réveille dans cette torpeur estivale, c'est bien le sommeil mou dans lequel s'est réfugié l'opinion publique, suite à la nouvelle et calculée éruction verbale de SARKOZY.
Combien pour dénoncer ce dérapage de SARKOZY le très petit? Bien sûr, les associations de défense des droits de l'Homme réagissent; Jean-Pierre DUBOIS, président de la Ligue des Droits de l'Homme, était sur les media le soir même du 1er dérapage pour les dénoncer cette stigmatisation, alors que hier après la réunion sur les "problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Rroms" (faisant un lien maintenant entre gens du voyage en général et problèmes posés "en particulier" par les Rroms), Malik SALEMKOUR, vice-président de la LDH et responsable de RromEurope réagissait en soulignant à quel point "c'est sidérant : on est dans la désignation de boucs émissaires après des faits divers". Bien sûr, l'opposition politique (sauf le FN, naturellement) condamne fermement, le PS estimant que l'e président de la République, "oeuvre à la communautarisation de la Nation en stigmatisant volontairement une catégorie de citoyens et de résidents" et Benoît HAMON précisant que "On a le sentiment aujourd'hui que le président de la République plutôt que de se placer au-dessus de ces clichés (...) selon lesquels les gens du voyage seraient forcément associés à la rapine, au vol (...) exploite ces clichés dans une opération qui vise (...) à accabler ces populations". Bien sûr, la presse rend compte de ces réactions.
Mais tout cela reste tellement feutré... Combien de manifestations s'il c'était agit d'une autre communauté, ethnique ou cultuelle?
En fait, tout cela reste mesuré et très Gauche mondaine. L'opinion publique reste absente du débat et de la réaction.
Car à la réalité, faut-il se l'avouer, beaucoup de Français partagent probablement les préjugés colportés par le résident de la République: "Comment se fait-il que l’on voie dans certains de ces campements tant de si belles voitures, alors qu’il y a si peu de gens qui travaillent?" (Commission des Lois de l’Assemblée Nationale, 10 juillet 2002); "Ces voitures que ne pourra pas se payer un homme ou une femme qui travaille dur", dans "des campements où tout le monde vit avec le RMI" (France 2, 23 octobre 2002);...
Le nomadisme (ou bien plus souvent le semi-nomadisme) est un mode de vie qui fait peur et qui multiplie les motifs de préjugés. La raison y perd tout poids: 95% des gens du voyage sur le sol français sont Français et inexpulsables; sur les 5% restant, la très large majorité vient de Roumanie ou Bulgarie donc sont ressortissants de l'Union Européenne, fuyant souvent la misère et la discrimination (pour trouver en France misère et discrimination!); la loi dite Besson de 2000 (largement amoindrie par la Droite en 2003 et 2004) est souvent peu respectée, sans intervention des Préfets pour faire appliquer la loi de la République (sic) ou respectée dans des conditions d'illégalité (en terme de mesures minimum d'hygiène et de confort);...
À cela s'ajoute, que pour des questions tactiques (consolider l'électorat extrémiste, qui dans les sondages est le seul pour l'instant à ne pas décrocher) mais aussi sûrement de conviction, c'est le président de la République qui diffuse ces préjugés (efficacement relayé, naturellement, par son fidèle ministre de l'Intérieur, ancien ministre de l'Immigration et de l'Identité Nationale, qui -il n'y a pas longtemps- expulsait de manière illégale les Rroms roumains ou bulgares pour remplir ses innomables quotas de reconduites à la frontière).
L'opinion publique réagit pas ou peu, mais comment le lui reprocher: celui qui devrait rassembler la communauté nationale en fait la divise et la communautarise.
On savait Nicolas SARKOZY porte sur une vision communautaire, il démontre en plus qu'il y attache des préjugés! Cette nouvelle gerbe verbale de Tzarkozy, probablement pas accidentelle, en est un nouveau et triste exemple.
Dans une situation de réduction des libertés individuelles et collectives, de régression sociale, de destruction de l'Éducation Nationale, cette approche raciste des questions de société inquiète. C'est un nouveau petit pas. Petit pas après petit pas, c'est le fascisme qui avance...