MAIS EN FAIT, ELLE EST CONNE!
Il y a une semaine, évoquant nos futurs réveillons de Noël avec quelques amis, l'un d'eux nous expliqua que, quoique l'on faisait, on partagerait ce point commun que tous à un moment ou un autre nous évoquerions Christine BOUTIN, qui venait (rappelons-le aux quelques-unes et quelques-uns qui ne sont pas des lecteurs patentés et passionnés de sa sainte prose) de déclarer que les homosexuel(le)s peuvent déjà se marier en France, il suffit qu'ils et elles le fassent à une personne de l'autre genre !
Il suffisait d'y penser ! Un quart d'heure avant sa mort, le chevalier de La Palisse vivait encore !
Une semaine est passée, les réveillons de Noël avec, et force est de constater que la prédiction fut vraie : sainte BOUTIN, co-patronne avec Rita des causes désespérées, a occupé bien des conversations de nativité, à commencer par mon réveillon, qui n'aura pas manqué entre 2 huîtres et quelques bouchées de foie gras, de porter sa pastorale opinion sur le très séculier sujet du moment : le mariage pour tous.
Qu'est-ce que la laïque réalisation de la delphique prédiction aura révélé ? Le retour des 2 Frances ! De nos jours, on n'a plus de capitaine juif pour s'occuper et se diviser lors des repas de famille, mais heureusement il nous reste les Arabes et le mariage pour tous !
Premier élément de conclusion personnelle sur ce retour des 2 Frances, c'est que déjà le débat arrive -enfin!- à diviser ! Il faut dire, les opposants auront tout fait pour.
La mesure allait passer comme une lettre à la poste tellement elle était logique, dans le sens de la société et -pour tout dire- sans grand intérêt ! 2 adultes s'aiment, ils veulent se marier, céder à tout le tralala dégoulinant et meringué, des cartons d'invitation aux vêtements immettables trop chers en passant par l'onéreux repas de traiteur à moitié froid et l'oncle ivre qui s'humilie publiquement ; 2 adultes veulent se marier, qui voudrait leur interdire ce moment de pathos, que ce soit un homme et une femme, 2 femmes ou 2 hommes ?!
Non, cela passait trop vite et trop bien : « il » fallait faire quelque chose, et ils l'ont vite, vite et mal : pédophilie, zoophilie, inceste, polygamie,… il fallait crier haut et fort, provoquer des réactions, pour cliver, créer l'opposition. Puisqu'un des arguments des opposants était que le sujet clivait, il fallait créer le clivage, tout simplement. On a même eu un vendeur d'armes nous expliquer que le mariage pour tous, c'était la destruction de l'humanité (merci de ne pas rire). À ce demander si les Mayas n'avaient pas raison à quelques semaines près (on vous avait demandé de ne pas rire!).
Le reste devait venir tout seul : des media en mal de sujets, des manifestations dont on se demande d'où viennent les financements, et un discours bien rodé après la période de clivage volontaire et violent (et tant pis les conséquences à long terme de toute cette homophobie légitimée par des clercs et des députés). Maintenant, on ne divise plus, on rassemble les oppositions : on ne fait pas des « manifs pour l'homophobie » ou des « manifs contre l'Égalité » mais des « manifs pour tous » ! Manifestations « pour tous », mais pour quoi ? Pour l'hostie gratuite pour tous ? Pour tous les prêtres pédophiles jamais condamnés ? Pour la PMA pour toutes ?!
Ça, c'était la stratégie. S'y ajoute le fond, ces 2 Frances qui se regardent sans se comprendre. C'est ce que révèle la petite phrase de mémé Christine. La phrase est au plus haut point ridicule, ou presque. Comme dirait un autre ami (décidément, c'est le billet de l'amitié!), mémé est cohérente avec elle, avec sa manière de penser. Mais sa manière de penser nous dit quoi ? Que le monde est fini ! Son monde, en tout cas, est fini ! Et c'est pour cela que le dialogue ou le compromis seront impossibles avec ces opposants au mariage pour tous : accepter un compromis pour eux, ça serait remettre en cause leur monde, s'ouvrir sur l'extérieur, admettre que la Terre n'est pas plate et que ce n'est pas le Soleil qui tourne autour d'elle !
D'un côté, il y a la France du mouvement, qui vit tant bien que mal dans un monde complexe fait d'individus et d'individualités. Dans cette France du réel, le mariage est un acte entre 2 adultes, les citoyens doivent être égaux entre eux et on peut être Français quelque soit sa couleur de peau et sa croyance (ou son absence de croyance, il est désespérément nécessaire de le rappeler régulièrement). Dans cette France là, on se pose donc la question du mariage pour tous, du droit de vote pour tous, du droit à la mort dans la dignité pour tous. Dans cette France là, « pour tous » signifie « chacun » : chacun a des droits, qu'il utilise comme et quand il veut, tant que c'est dans le respect de l'autre. C'est une France fragile car complexe, c'est une France forte car en mouvement.
De l'autre côté, il y a la France du monde fermé. C'est Candy au pays des clercs. Ce n'est pas qu'une France caucasienne de catholiques intégristes ou traditionalistes ; ça peut même être la France qui allie les extrêmes, tant qu'ils partagent un monde fermé. Dans ce monde là, rien ne peut et ne doit bouger, et surtout, la liberté ne vaut que si c'est sa liberté. Le droit des autres au bonheur n'a de sens que si leur bonheur correspond au dogme officiel. Dès lors, on peut, chère Christine, se marier avec son cousin ou être homosexuel(le) et se marier avec quelqu'un du sexe opposé, mais on ne peut pas être une femme qui se marie avec une femme, car ça ne fait pas d'enfant ça, en tout cas pas dans sa vision fermée du monde (parce que dans la réalité, « si », mais n'est réel que ce qui correspond à ce qu'on en veut dans ce monde là, où on mange sa soupe en faisant des grands « slurppppp »). Sainte BOUTIN ne va pas condamner les homosexuels, car elle reste persuadée qu'un homosexuel peut finir par se marier avec quelqu'un de l'autre sexe et avoir des enfants ; le reste lui importe finalement peu, tant qu'on n'autorise ces gens là à se marier et donc à installer leur amour dans la réalité visible.
Pour cette France là, le compromis est impossible, car il ouvrirait leur monde fermé et fini à la liberté des autres, à l'égalité de tous. À nous de l'entendre aussi, et de refuser tout compromis avec cette France là, celle qui mange sa soupe en faisant des grands « slurppppp ».