Lettre au Préfet du Rhône sur les réfugiés afghans
Reproduction du courrier écrit au Préfet du Rhône sur la situation de réfugiés afghans présents dans l'agglomération lyonnaise, courrier toujours sans réponse à cette date...
Objet: Situation de réfugiés afghans dans l'agglomération lyonnaise.
A Lyon, le lundi 5 juillet 2010
Monsieur le Préfet,
Ce jeudi 1er juillet, les militants du Rhône de la Ligue des Droits de l'Homme se sont réunis, dans le cadre de leur Comité Départemental, pour échanger sur plusieurs points d'actualité des droits de l'Homme et notamment écouter 2 réfugiés afghans, demandeurs d'asile et actuellement localisés dans l'agglomération.
Leur témoignage, fort, ne pouvait nous laisser insensible: les violences et les menaces personnellement subies, la « disparition » des pères recrutés par les « talibans », l'enrôlement forcé de tous les jeunes hommes sous peine de représailles contre les familles, la violence quotidienne entre les mouvements de « talibans » financés par l'étranger, les bandes criminelles et les milices de mercenaires, entreprises privées financées par l'armée états-unienne pour se décharger de certaines tâches peu glorieuses.
Aux violences subies qui les ont contraint à fuir à regrets leur pays, s'ajoutent les violences lors de leur long parcours vers le Royaume-Uni, qui s'arrêtera à Calais pour ceux qui auront survécu aux passages à tabac dans les geôles iraniennes ou turques, les viols, les traversées dangereuses de mers sur des embarcations de fortunes, l'exploitation par des entrepreneurs qui prospèrent sur la misère,...
Leur parcours vers le Royaume-Uni, eldoradovendu par les passeurs, s'arrête à Calais, à la « Jungle », d'où ils sont dispersés dans toute la France, après sa fermeture le 22 septembre 2009.
Nous ne reviendrons pas sur les raisons politiques qui ont alors prévalu et que la Ligue des Droits de l'Homme avait alors largement rejeté, actant, ce que les faits nous semblent aujourd'hui confirmer, que cette fermeture ne résolvait pas la question des réfugiés mais le dispersait pour la rendre moins visible.
Suite à cette fermeture, 4 Afghans arrivaient sur l'agglomération lyonnaise, avec l'engagement public de responsables politiques, que toutes les situations seraient réglées dans les 3 mois.
Presqu'un an plus tard, leur dossier est en cours de traitement à l'OFPRA, mais ces 4 Afghans parmi beaucoup d'autres demandeurs, ne voient pas leur situation progresser.
Dans l'attente, ils doivent se contenter de vivre ou de survivre dans des conditions précaires. Demandeur d'asile, ils ne peuvent pas travailler; dans le même temps, leur allocation mensuelle est des plus réduite, et pour bien des choses ils doivent se recommander de la charité des uns et des autres, qui varie selon les moments ou les lieux, pour obtenir des matelas pour dormir un peu plus confortablement, des vêtements, etc. De leur propre aveu, leurs journées se passent en une longue suite de cigarettes, consommées passivement, pour tenter d'oublier les situations de violences que continuent à vivre leurs familles en Afghanistan et les doutes sur leur propre avenir.
La Ligue des Droits de l'Homme ne croit pas en la charité: elle lui préfère la solidarité.
Lors de sa campagne électorale, le président de la République, Nicolas SARKOZY, a pris des engagements forts, pour réaffirmer la France comme une terre d'accueil, pour accueillir chacun dans la dignité. Cette dignité ne nous semble plus aujourd'hui d'actualité.
C'est pourquoi, nous nous permettons d'appeler votre attention sur le cas de ces réfugiés afghans, qui ne sont malheureusement probablement que quelques cas dans un ensemble.
Nous vous demandons d'intervenir pour que ces réfugiés soient logés dans les meilleurs délais dans des conditions acceptables.
Mais aussi, au-delà de leur prise en charge matérielle, qu'un suivi personnalisé soit mis en place. Jusqu'à présent, les cours de français qu'ils ont reçu n'ont été octroyés que par le biais de structures associatives et bénévoles. Avec les vacances d'été, ces cours de français, indispensables pour permettre aux réfugiés de sortir de leur isolement symbolisé par ce tabagisme subi, ne seront plus assurés.
Aucun soutien psychologique ne leur a été proposé pour permettre de mettre des mots sur les violences subies en Afghanistan ou lors de leur long trajet d'exil.
Cette situation, pour nous, ne peut plus durer. Ces demandeurs d'asile ne peuvent plus être laissés dans cette situation précaire, dans laquelle aucun moyen d'intégration et de développement personnel ne leur sont offerts.
Des cours de français, un accueil matériel digne, un soutien psychologique si nécessaire sont des exigences pour une démocratie, surtout quand elle se réclame patrie des droits de l'Homme.
C'est pourquoi, Monsieur le Préfet, nous vous demandons de faire intervenir vos services pour que ces aides soient le plus rapidement apporté à chaque demandeur d'asile qui se trouve sur le Rhône.
Dans l'attente d'une réponse de votre part, nous vous prions, Monsieur le Préfet, de recevoir nos salutations les plus respectueuses,
Stéphane GOMEZ
président fédéral de la Ligue des Droits de l'Homme