La rentrée normale, c'est maintenant!
La rentrée scolaire se fait avec 14 000 postes supprimés de professeurs, le nouveau Gouvernement qui a promis d'en recréer 60 000 n'en a rétabli que 1000 pour cette rentrée.
Tel quel, ce commentaire est passé en boucle sur une radio d'information. Son auteur devait penser qu'il se suffisait à lui-même.
Et pour cause : son ineptie suffit à le résumer ! Après plus de 80 000 postes supprimés dans l'Éducation Nationale en 5 ans (aux 60 000 postes d'enseignants, il faut rajouter tous les postes d'administratifs ou autres), qui pourrait s'attendre à ce qu'une majorité parvenue aux affaires mi-juin puisse faire mieux que d'ouvrir sur la marge le nombre de postes aux concours et pourvoir de titulaires des postes déjà actés dans les établissements mais qui auraient été occupés (au bout de combien de semaines de vacance?) par des vacataires sans cette mesure ?
Si c'est cela, l'insuffisance de l'actuel Gouvernement qui s'étale à longueur de « unes », on en re-demande, car quoiqu'en gaussent certains professionnels du commentaire, le bilan des fameux « 100 jours » n'est déjà pas maigre.
La TVA dit « sociale », la TVA Sarkozy, l'oublie-t-on trop rapidement, a été supprimé ; l'allocation scolaire de rentrée a été augmentée de 25% ; le SMIC a été ré-évalué au-delà du minimum légal ; le prix de l'essence est baissé pour au moins 3 mois ; la circulaire GUÉANT – BERTRAND sur les étudiants étrangers a été abrogée ; la loi contre le harcèlement sexuel a été votée ; l'État va mettre à disposition des terrains pour relancer le logement social et renforcer la loi SRU ; le Gouvernement est paritaire et renouvelé et les traitements des ministres ont été baissés ; le plafond du Livret A est augmenté ;…
Au-delà de ces mesures d'urgence, les jalons pour la suite sont posés : les emplois d'avenir arrivent ; la remise en place de la formation des professeurs se profile ; la réforme judiciaire se dessine ; la loi contre les licenciements abusifs se prépare ; le droit de vote des étrangers extra-communautaires avance ; la loi sur le cumul se précise ;…
Tout cela est-il suffisant ? Non, bien sûr, on espère toujours plus et plus vite.
Le candidat HOLLANDE ne s'était engagé que sur le droit de vote, on espérera donc sûrement en vain du président HOLLANDE le droit d'éligibilité pour les ressortissants extra-communautaire. La politique menée vis-à-vis des Rroms, ressortissants de l'Union Européenne dans une très large majorité, n'est pas satisfaisante. Vis-à-vis des sans-papiers, on ne peut se contenter longtemps de circulaires et décrets qui ne peuvent changer la nature du CESEDA qu'il faut revoir en profondeur.
Ces exemples ne sont pas limitatifs des chantiers qu'il faut encore ouvrir, à côté de celui qui sera clivant et révélateur, celui de l'emploi.
Redresser les comptes de la Nation n'a de sens que si cela sert à re-dynamiser l'économie pour créer des emplois stables. La Gauche est attendue sur l'emploi, sur le pouvoir d'achat, sur le logement, elle doit offrir les conditions d'un avenir émancipateur.
Tout cela n'est donc peut-être pas totalement suffisant, mais comme aurait pu dire l'autre, le bilan est globalement positif.
Alors, dans ces circonstances, pourquoi un tel acharnement journalistique contre la politique actuelle, une telle avalanche de commentaires sur le « dévissage » du président de la République et du Premier Ministre, commentaires qui oublient de souligner que la politique actuellement menée dispose encore d'un large soutien dans l'opinion publique ?
Il y a bien sûr les difficultés d'un équilibre à retrouver. On ne peut pas vouloir le renouvellement, des ministres qui ne cumulent pas et s'étonner -surtout après 10 ans d'opposition- que ces jeunes et nouveaux ministres ne soient pas rodés à toutes les techniques de gestion politique et de communication gouvernementale.
Dans une société de la communication où des chaînes d'information à la radio ou à la télévision concurrencent les journaux sur internet, le flux est continu et il faut le nourrir, alors rien de tel que des petites phrases insignifiantes, plus ou moins contradictoire ou plus ou moins claires ou plus ou moins polémique, mais qui donnent l'image, le sentiment irréel d'un gouvernement, d'un Parti Socialiste ou d'une majorité de Gauche sur le point d'imploser, ou d'exploser ou de thermo-s'effondrer !
Bien sûr, cela ne donne pas une image lisse, et même donne une mauvaise impression de cafouillage ou d'amateurisme qui fait oublier le fond. Mais cela n'est que la forme, pas le fond.
Mais peut-être que cela révèle justement la nature du problème sur le « dévissage » : la forme l'emporte sur le fond.
Les journalistes, éditeurs ou autres chroniqueurs qui ont tant détesté Nicolas Tsarkozy sont les mêmes qui ont tant adoré Nicolas l'hyper-président. Le désamour n'a été qu'à la hauteur de ce que fut l'adoration pour celui qui pouvait nourrir chaque jour, chaque heure, la chronique de l'insignifiance mondaine en même temps que celle de la stérilité politique.
Face à cela, la « présidence normale » semble tellement trop... normale, banale, quotidienne. On ne va pas quand même faire la « une » sur un président qui baisse son traitement et prend des lignes régulières ?!
Alors ça ne passe pas, surtout que les Français n'aiment pas cela, finalement. Ils n'ont pas aimé la politique de SARKOZY, mais ils ont apprécié la communication de Nicolas. Bien sûr, cette communication était creuse, vide, stérile, elle n'élevait que des apparences sur des discours populistes. Elle ne relevait que d'une politique faite de villages Potemkine. Cette communication était creuse, mais elle donnait l'impression de l'action. Et dans une société qui va mal, qui doute, il n'y a rien de tel que le volontarisme politique et l'action réalisatrice. De volontarisme politique et d'action réalisatrice, dans le fond il n'y en avait pas, mais dans la forme ils étaient là.
Alors faut-il abandonner la « présidence normale » ?
À court terme, probablement un peu. Car l'échec du volontarisme populiste et d'apparence du Sarkozysme n'a fait qu'amplifier les doutes et les craintes de nos concitoyens, et il y a donc besoin d'une pédagogie de l'urgence sur le fait que ce Gouvernement agit et agit bien, dans l'intérêt général.
À long terme, non, sûrement pas. Car face aux doutes et aux craintes de nos concitoyens, il faut redonner sens à la politique, il faut une pédagogie de la politique, qui rompt avec le populisme et la démagogie, qui explique et qui élève nos compatriotes, collectivement comme Nation, individuellement comme citoyen.
Il faut redonner à la politique son sens normal : bâtir des villages, qui ne soient pas de Potemkine.