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Je connais trop les hommes pour ignorer que souvent l'offensé pardonne, mais que l'offenseur ne pardonne jamais.

Publié le par Stéphane GOMEZ

Intervention au nom de la Fédération du Rhône de la Ligue des Droits de l'Homme à l'occasion de la commémoration du génocide au Rwanda de 1994, Lyon, 23 avril 2011.

 

Dès mai 2000, l'Organisation de l'Unité Africaine publiait un rapport, 5 ans après les faits, revenant sur ces faits, revenant sur les responsabilités, revenant sur les souffrances de toutes les victimes.


« Les roquettes qui ont abattu l'avion du Président HABYARIMANA le 6 avril 1994 ont servi de catalyseur à l'une des plus grandes catastrophes de notre époque. Après le chaos des premières heures qui ont suivi l’écrasement de l’avion, la structure militaire de gouvernement mise en place depuis 1990 a été utilisée par le gouvernement intérimaire du Hutu Power et les chefs militaires rwandais pour exécuter le génocide et pour mener une guerre civile. Il était désormais clair -nous dit le rapport de l'OUA- que les instigateurs du génocide avaient une stratégie globale qu’ils mettaient en oeuvre avec une planification et une organisation scrupuleuses. Ils contrôlaient les leviers du gouvernement, ils disposaient de soldats et de miliciens hautement motivés, ils avaient les moyens de tuer un nombre massif de personnes, la capacité d'identifier et de tuer les victimes en plus d’exercer un contrôle rigoureux sur les médias pour diffuser les messages voulus tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays.

 

Dans la violente neutralité de la langue administrative, ce rapport nous dit toute l'horreur des massacres qui en 3 mois ensanglanteront non seulement le Rwanda mais aussi toute la conscience publique internationale.

« À la fin du génocide, une centaine de jours plus tard, de 500 000 à 800 000 femmes, enfants et hommes, en vaste majorité Tutsi, avaient été tués. Des milliers d'autres personnes avaient été violées, torturées et mutilées à vie. Les victimes ont été traitées avec une cruauté sadique et ont connu une agonie inimaginable, ont souffert le martyre. »

 

Cette horreur n'est pas la résultante du hasard malheureux. Rien dans ces massacres ne fut du aux hasards des circonstances macabres.

« Les attaques visaient de nombreuses cibles -continue le rapport. En tête de liste en vue de leur élimination, citons les membres du gouvernement et de l'opposition, les Hutu modérés dont des milliers ont été massacrés sans pitié dès les premiers jours, les critiques du gouvernement comme les journalistes et les militants des droits de l'Homme, tout Tutsi considéré comme leader communautaire, y compris les professionnels, les militants politiques, les avocats et les enseignants, de même que les prêtres, religieuses et autres membres du clergé d'origine Tutsi ou ayant donné refuge aux victimes visées ».

Ce génocide n'est pas le génocide rwandais, dans lequel étaient une population devenue folle s'en prenait à une autre partie de la population devenue folle. Ce génocide est celui des Tutsis, dans lequel une partie des Hutus s'acharnait sur des Tutsis ou présumés comme tels, et leurs soutiens réels ou supposés.

 

Mais l'horreur des événements du printemps et de l'été 1994 au Rwanda commencent bien avant; ils commencent aussi loin bien loin du Rwanda.

Dès 1961, un rapport des Nations Unies déclarait que «l'évolution de la situation au cours des 18 derniers mois a conduit à une dictature raciale de parti unique [...] Un système oppressif a été remplacé par un autre.» Un pouvoir rwandais raciste avait succédé au pouvoir colonila raciste. Comme la pression s'exerçait sur son pouvoir, le président KAYIBANDA a alors déchaîné la terreur ethnique dans l'espoir de sauver son régime.

30 ans plus tard, dans uns situation latente de guerre civile et d'effondrement économique, « À mesure que la terreur montait, les organisateurs ont appris non seulement qu'ils pouvaient massacrer rapidement et efficacement un grand nombre de personnes, mais également qu’ils pouvaient le faire impunément. Une culture de l'impunité s'est ainsi développée et les conspirateurs sont devenus de plus en plus audacieux. Les dirigeants extrémistes de l'armée ont alors conspiré avec les membres des cercles entourant Habyarimana et l'Akazu pour former des sociétés secrètes et des escadrons de la mort clandestins à la mode latino-américaine».

 

À cette logique meurtrière organisée au Rwanda s'ajoute la responsabilité de la communauté internationale, et tout d'abord pour la Fédération du Rhône de la Ligue des Droits de l'Homme, celle de la France.

Dès le début des années 1990, les forces françaises ont privé le Front Patriotique Rwandais d'une victoire rapide sur l'armée rwandaise, mais après une intervention qui n'en fut pas une officiellement et ouvertement, les soldats et conseillers français sont demeurés au pays pour encadrer le régime de HABYARIMANA sur les plans politique et militaire afin de maintenir ces intrus «anglo-saxons» de l’Ouganda anglophone à distance.

En juin 1994, deux mois après le début du conflit suite à l’écrasement fatal d’avion, le gouvernement français, avec le concours surprenant du Conseil de Sécurité, a envoyé des forces au Rwanda, l’Opération Turquoise, qui aussitôt ont créé une zone de sécurité dans le sud-ouest du pays. Devant l’avancée du FPR, des paysans Hutu naturellement effrayés se sont enfuis vers la sûreté et la protection supposées de cette zone. À ces civils effayés s'ajoute un nombre important de chefs gouvernementaux et militaires impliqués dans le génocide, tout comme de nombreux soldats et miliciens. Tous les chefs, soldats et miliciens génocidaires qui ont réussi à parvenir à la zone de sécurité française ont été autorisés par les mêmes qui étaient restés inactifs durant les massacres de Tutsis à traverser la frontière pour se réfugier dans l’est du Zaïre, où ils ont rejoint d’autres génocidaires qui avaient fui le Rwanda en empruntant d’autres itinéraires. « Tous étaient prêts à reprendre les hostilités contre le nouveau gouvernement de Kigali qui avait remplacé le Hutu Power. Les troupes françaises se sont retirées en août 1994, un mois après l’installation du nouveau gouvernement au pouvoir. »

À longueur de pages, ce terrible rapport qui a déjà plus de 10 ans, nous rappelle comment les tragiques événements de 1994 n'ont rien du au hasard.

Le génocide de 1994 engage la responsabilité des pouvoirs rwandais de l'époque.

Le génocide de 1994 engage la responsabilité des pouvoirs français, qui ont soutenu et conseillé avant un gouvernement raciste, qui ont consciemment favorisé après la fuite des auteurs des massacres organisés.

 

Aujourd'hui encore ces responsabilités doivent être précisées, clarifiées, et assumées.

« Je connais trop les hommes pour ignorer que souvent l'offensé pardonne, mais que l'offenseur ne pardonne jamais. » notait avec ironie Jean-Jacques ROUSSEAU).

L'oubli serait inacceptable, l'oubli est le génocide du génocide, le 2nd génocide.

Le pardon est nécessaire, mais il ne peut se faire sans justice.

La Ligue des Droits de l'Homme continue et continuera, à travers des commémorations telles que celle organisée ce jour, à poser ces questions: qui est responsable? de quoi est-il responsable?

La justice est rendue pour les victimes mais elle n'est pas rendue au nom des victimes, la justice est rendue par la société, au nom de la société, et nous n'avancerons pas, nos sociétés n'avanceront pas, au Rwanda comme ici, tant que justice ne sera pas rendue.

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C
<br /> <br /> Merci pour ce rappel c'est le continent afriquains tout entier qui pour tourner une page de son histoire paye le prix fort, Ce n'est pas de democratie que souffre l'afrique mais de LAICITE Tant<br /> que ce mot ne deviendra pas absolu  dans le langage et dans la quotidienetee rien ne pourra se regler<br /> <br /> <br /> <br />
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