ESTHER, OU QUAND LA LOGIQUE DU CHIFFRE L'EMPORTE SUR LE DROIT
ESTHER, OU QUAND LA LOGIQUE DU CHIFFRE L'EMPORTE SUR LE DROIT
La LDH dénonce le traitement aveugle subi par Esther, ivoirienne présente régulièrement
La Fédération du Rhône de la LDH proteste contre le traitement infligé à Esther, d’origine ivoirienne, par la Préfecture du Rhône.
Esther est mariée depuis 2008 avec Martin, un Français vivant et travaillant au Royaume-Uni. Elle possède un passeport européen et un titre de séjour britannique valable jusqu’en 2014 en tant que conjointe de Français, et membre de la famille d’un ressortissant européen. Grâce à ces documents, elle peut voyager librement dans l’ensemble des 27 pays de l’Union Européenne : c’est le droit communautaire établi en 2004, applicable en France.
Esther est enceinte et elle est venue en France pour un suivi médical de sa grossesse. Le 6 juillet, elle a été arrêtée avec violence au domicile où elle était hébergée. Elle était alors avec un enfant de trois ans qu’elle gardait en l’absence de sa mère.
Elle a présenté en vain ses documents montrant la régularité de sa présence. Les policiers de la Police de l’Air et des Frontières (PAF) ont refusé d’en tenir compte; pire: ils ont confisqué le passeport et le titre de séjour. Esther et l’enfant sont restés en garde à vue de 8h à 17h, sans qu’on leur fournisse ni eau, ni nourriture, alors que le Rhône est en alerte canicule ! Elle n’a pas eu la possibilité de contacter un avocat, ni de prévenir son mari: les droits de tout citoyen ont été bafoués.
Esther, malgré la légalité de sa présence en France, a été placée en rétention comme « étrangère sans papiers » ! Au centre de rétention, malgré ses demandes, elle n’a pu rencontrer ni médecin, ni avocat. L’enfant a été emmené à l’IDEF (Institut Départemental de l’Enfance et de la Famille) ! Heureusement, un juge a décidé, en urgence que ce bambin pouvait être rendu à sa mère.
Le 8 juillet , le juge des libertés et de la détention a assigné Esther à résidence dans l’attente d’une « remise » aux autorités britanniques . La Grande Bretagne ne fait pas partie de l’espace « Schengen », donc -pour la Préfecture du Rhône- tout ressortissant de ce pays devrait avoir un visa pour venir en France en particulier. Le Droit Communautaire Européen antérieur, dans cette situation ne pourrait primer ? Les contrôles aéroportuaires n’ont jamais réclamé le moindre visa à Esther, lors de ses multiples allers-retours entre la Grande Bretagne et la France !
Le 9 juillet,
-
le matin, au tribunal administratif, Esther a appris que son assignation à résidence était levée. Néanmoins, le juge n’a pu se prononcer pour des raisons de droit.
-
l’après-midi elle obtient un « référé libertés fondamentales » qui permet de faire trancher en urgence par la justice l’atteinte portée aux libertés fondamentales de la personne lésée.
L’avocate demandait :
-
que la préfecture retire son arrêté préfectoral de remise aux autorités britanniques qui n’avait pas lieu d’être en raison de la régularité de la situation d’Esther;
-
que le passeport et le titre de séjour aux mains de la PAF lui soient rendus.
Juste avant l’audience, la Préfecture a fait savoir qu’elle retirait son arrêté de remise aux autorités britanniques par… « humanité »! Il était temps ! Quant au passeport, le représentant de la Préfecture a dit qu’Esther n’avait qu’à le demander ! A qui ? Comment ?
Autant de désinvolture et de mépris sont inadmissibles.
Le juge a alors prévenu les parties qu’il statuerait sur cette question de passeport (liberté fondamentale d’aller et de venir), qu’il ne se contenterait pas d’affirmations vagues, mais qu’il voulait une décision ferme de la Préfecture. Afin de pouvoir consulter sa hiérarchie, le représentant de la Préfecture a demandé une suspension de séance, afin qu’elle tranche la question. La Préfecture a rendu le passeport…mais il a fallu aller le chercher au centre de rétention… inaccessible en transport en commun.
Martin, le mari d’Esther, a dû abandonner son travail et faire garder en toute urgence sa fille de huit ans, pour se précipiter dans le premier avion pour la France, afin d’éclaircir la situation inouïe créée à son épouse.
La Fédération du Rhône de la Ligue des Droits de l'Homme condamne l'attitude intransigeante de la Préfecture du Rhône, représentative de l l’obligation qui a été faite aux autorités préfectorales de « faire du chiffre » dans la chasse aux étrangers clandestins, qui les amène à mépriser les lois en vigueur concernant les libertés d’aller et de venir des citoyens en situation régulière.
La Fédération du Rhône de la Ligue des Droits de l'Homme espère que cet épisode tragique sera le dernier de la sorte, et conduira chacun à plus de modération dans ses démarches, afin que la simple humanité reste au coeur de tout traitement de cas qui mettent en jeu non pas des dossiers administratifs mais des personnes.
Stéphane GOMEZ
président fédéral de la Ligue des Droits de l'Homme