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Droit de vote des étrangers extra-communautaires: l'heure est à l'offensive!

Publié le par Stéphane GOMEZ

Par la grâce d'une tribune signée par 75 députés socialistes, le droit de vote des résidents étrangers extra-communautaires, pourtant au cœur de la campagne électorale, est revenue (pour quelques jours?) au cœur de l'actualité médiatique.

Cette tribune a même permis aux auto-proclamés leaders de l'UMP d'afficher leur unité « contre », mais dans la diversité, l'un étant pour l'abandon de la réforme, l'autre pour la voie référendaire (pour mieux laisser aux chiens de la Droite Extrême le privilège d'aboyer plus forts que ceux de l'Extrême-Droite?).

 

Tombée dans l'oubli estival, la mesure fut pourtant au centre de la campagne présidentielle, un point de clivage fort entre le candidat socialiste et le candidat de l'UMP, qui -se reniant de nouveau- s'opposait à une mesure qu'il avait théoriquement un temps soutenu avant de ne laisser passer 5 ans d'inaction, en cette matière comme en tant d'autres.

 

Le fait que pas moins du quart du groupe socialiste à l'Assemblée Nationale signe cette tribune souligne la large adhésion des socialistes à cette mesure (après des années de mauvaise conscience dues au revirement impardonnable de 1981).

Dès que la Gauche fut majoritaire au Sénat, ce fut une des 1ères mesures mises au vote par le nouveau président, le socialiste Jean-Pierre BEL.

François HOLLANDE a plusieurs fois réaffirmé son soutien à la mesure, à laquelle fut dédiée des documents spécifiques ou une campagne du MJS.

 

Aujourd'hui, l'adhésion socialiste ne fait plus de doute.

Alors pourquoi ce semblant d'hésitation ? Pourquoi cette valse douteuse du ministre de l'Intérieur, qui, il est vrai, ne nous a pas habitué à des propositions ou déclarations alliant l'humanisme le plus poussé à la naïveté tactique la plus approfondie ?

Le problème n'est pas sur le fond. La tribune des 75 députés socialistes reprend la majeure partie des arguments en faveur de ce droit de vote des résidents extra-communautaires, et ils sont largement partagés, sans qu'il soit ici besoin d'y revenir.

Le problème n'est donc pas de fond, mais d'opportunité politique et de stratégie.

 

Changer la citoyenneté relève de la Constitution. Et si le vote à la majorité simple est acquis dans chacune des Chambres, le vote à la majorité qualifiée n'est lui pas certain en Congrès. D'après les militants du collectif Votation CitoyenneVotationCitoyenne2010.jpg, il manque au moins une 30aine de voix (soit plus de 3% des députés et sénateurs) pour obtenir le sésame, cette majorité qui permettrait de garder le débat dans l'enceinte parlementaire.

Garder le débat dans l'enceinte parlementaire, ce n'est pas logique élitiste ou hypocrite. C'est une mesure d'inquiétude.

Car si ce n'est le cas, la seule solution est référendaire. Dire cela, ce n'est pas avoir peur du peuple souverain, c'est craindre l'attitude de certains partis, mouvements et groupuscules qui, animés par des idées qui sont toutes sauf de tolérance, d'ouverture et de respect, seront prêt à toutes les insultes et bassesses, sur un sujet où leur conception archaïque de la citoyenneté est agitée à l'extrême.

Les Français se disent aujourd'hui et depuis maintenant longtemps, étude après étude, favorables au droit de vote local des étrangers extra-communautaires. Mais ce soutien survivra-t-il à plusieurs mois de campagne haineuse et raciste ?

 

Le problème n'est donc pas de fond, mais -à radoter Victor HUGO-, la forme c'est le fond qui remonte à la surface.

Le combat ne s'annonce pas facile, mais la Gauche peut-elle encore se permettre, moralement, de ne pas le mener ?

Poser la question, ce n'est pas y répondre, car en l'occurrence la crainte est réelle des conséquences d'une campagne référendaire faite de haine et de mensonges.

Il y a bien sûr la question tactique d'une défaite à un référendum qui pourrait faciliter le retour de la Droite aux affaires, signant la fin de réformes sociales et sociétales importantes.

Il y a aussi l'intérêt collectif, national, de ne pas laisser les tenants de la haine imposer leur discours et déchirer notre Nation en constante construction et re-définition donc en permanentes fragilités.

 

Alors comment agir ? Puisque, pour paraphraser Élisabeth GUIGOU, l'une des signataires de la tribune : si cette réforme ne se fait pas maintenant, elle ne se fera (probablement) jamais sous cette mandature.

Il est donc nécessaire d'agir et de faire preuve de pédagogie, nonobstant les craintes tacticiennes et stériles du ministre de l'Intérieur (et sûrement d'autres).

Allons de l'avant ! Le débat à l'Assemblée Nationale doit déjà être l'occasion d'un débat politique public large, pour que l'ensemble des citoyens s'approprie ce sujet et ce projet, pas simplement dans les principes mais aussi dans les idées.

Ensuite ? Ensuite, tentons le Congrès : que les parlementaires de Droite et surtout du Centre soient mis face à leurs responsabilités, qu'au moins les choses soient claires sur cette question de société, comme le furent les votes pour le droit à l'IVG, l'abolition de la peine de mort ou la dépénalisation de l'homosexualité. Ça passe ou ça casse, mais au moins les choses seront claires, entre les progressistes, les humanistes et les conservateurs, les rétrogrades.

Et si ça casse ? Alors que faire ? Dire que l'on est allé jusqu'au bout du combat, ou tenter la voie référendaire avec tous les risques d'une campagne démagogique et violente ?

À vrai dire, je n'ai pas la réponse, je ne sais pas quel sera le contexte du moment, et je ne veux pas être une Cassandre qui confortablement juchée sur son rocher explique aux 1ers concernés quelle doit être leur attitude.

Il me reste quand même quelques convictions, et d'abord que gouverner, c'est agir, prendre des risques personnels pour l'intérêt collectif.

Je ne suis pas sûr de la meilleur solution pour aboutir, je ne suis que persuadé de la pire : ne pas essayer serait une erreur non seulement politique, une erreur morale.

31 ans après 1981, le non combat sur l'ouverture de la citoyenneté encore une tâche du bilan de la Gauche. Il est temps de laver cette tâcher et d'aller au combat pour porter notre projet politique d'une Nation rassemblée et forte dans ses diversités reconnues.

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