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BARIZA KHIARI: « CE QUE CHANGERA UN SENAT DE GAUCHE »

Publié le par Stéphane GOMEZ


Chers camarades,


A la question récurrente : « allez-vous gagner le Sénat ? », nous répondons : « Ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué ». Ou comme le dit Christophe BORGEL – spécialiste es élections – « c’est jouable mais pas gagné ».

- C’est jouable : nous mettons tous les atouts de notre côté et nous en avons.

- Ce n’est pas gagné : parce qu’en face tout va être mis en œuvre, je dis bien tout, et plus que tout pour garder le Sénat.

 

Cette précaution étant prise, « Qu’est-ce que changerait un Sénat de gauche ? ».

 

Cette question, même sous la forme du conditionnel, aurait été saugrenue il y a trois ans. Nous avions tellement et depuis si longtemps intégré, voire intériorisé, l’anomalie sénatoriale qu’on en est venu à la considérer comme immuable, quasiment constitutionnelle. Or, le renouvellement de 2008 a ouvert des perspectives tout à fait inédites pour nous.

 

Le renouvellement sénatorial de 2011 offre donc une réelle perspective d’alternance politique et pourrait inaugurer : dans un premier temps, une nouvelle forme de cohabitation, dans un second, une période d’exercice du pouvoir telle que la gauche n’en a jamais connu.

 

Cette alternance est nécessaire démocratiquement ; possible arithmétiquement, mais loin d’être jouée politiquement.

 

L’hypothèse d’une majorité de gauche au Sénat, c’est d’abord et avant tout un impératif démocratique :

Nous sommes majoritaires dans les communes, majoritaires dans les départements, et encore plus majoritaires dans les régions. Et nous avons encore progressé lors des dernières élections. Si, au contraire, nous ne remportons pas le Sénat, ce n’est plus d’anomalie qu’il faudra parler, mais d’un véritable hold up démocratique.

 

D’un strict point de vue arithmétique, la victoire de la gauche au Sénat n’a absolument rien de virtuel, au contraire.

Au dernier renouvellement, qui était par tiers, alors qu’on attendait que 9 sièges, nous en avons obtenu 21 ! C’est la promo des 21. Or, sur le papier, l’élection de 2011 devrait être plus favorable que la précédente. La gauche sénatoriale compte actuellement 153 sièges, et, en 2011, la majorité passera à 175.

Il faudrait donc que nous progressions de 22 sièges, soit autant que le dernier renouvellement. Dans cette hypothèse optimiste, force est de constater néanmoins qu’il s’agira d’une majorité très serrée.

 

Nous ne devons pas minimiser les obstacles politiques. Ils sont de plusieurs natures.

  • La question des alliances avec nos partenaires est, comme toujours, cruciale car nous savons que le talisman de la victoire est dans l’unité de la gauche.

  • La question du choix de nos candidats dans les départements sera déterminante.

  • La question de la stratégie de campagne. En effet, pour la première fois, il faudra coupler les stratégies locales avec une stratégie de campagne nationale.

 

Car en effet, le groupe socialiste du Sénat a déjà quelques batailles son actif, notamment concernant les territoires : un combat parlementaire héroïque contre la privatisation de la poste, un combat non moins héroïque sur la réforme territoriale, et un combat acharné contre la généralisation du travail du dimanche qui n’est finalement passé qu’à quelques voix près. Sans oublier le débat sur le CPE qui a permis au mouvement social de s’organiser.

A la question « une alternance est-elle envisageable au Sénat ? » la réponse est oui. Vous allez me dire qu’est ce que cela change en réalité, puisqu’au final, c’est l’Assemblée qui a le dernier mot ? Mais, cela change tout car 8 mois séparent les élections sénatoriales de la campagne présidentielle. Une victoire en 2011 donnerait une dynamique de campagne extraordinaire pour 2012.

 

Quelles serait alors la stratégie de l’Elysée : deux pistes possibles :

  • soit Nicolas Sarkozy cornérise le Sénat en délégiférant (ce qu’il a déjà annoncé) ; dans ce cas, la nature ayant horreur du vide nous pourrions prendre quelques initiatives.

  • soit au contraire, il tente d’en tirer tactiquement parti en clivant, polarisant gauche et droite autour de ces sujets fétiches : sécurité, immigration. Et, dans ce cas de figure, nous n’éluderons pas les questions de sécurité et d’immigration. Et comme nous n’oublions pas que la question sociale est la plus importante, nous pourrions en profiter pour faire du Sénat le porte voix du bouclier social, pour faire du Sénat le poste avancé de la République à l’endroit.

 

Nous userons des pouvoirs constitutionnels à notre disposition :

- Création de missions d’information (par exemple : la mission d’information sur la réalité et la répartition des effectifs de la police nationale).

- Commission d’enquêtes : la commission d’enquête sur les sondages élargie aux sondages de l’Elysée. Enfin nous pourrions lancer une commission d’enquête sur l’affaire Woerth/Bettencourt 

 

Par ailleurs, ce n’est pas aux parlementaires que vous êtes que je vais expliquer toute l’importance de la maîtrise du calendrier et de l’organisation des débats. D’octobre 2011 à mai 2012, en dépit d’un calendrier serré, il faudra montrer :

- au Monde que la France ne saurait se réduire à Nicolas Sarkozy ;

- et aux Français que nous avons toute la crédibilité, la légitimité, et l’enthousiasme, de porter, de diriger la France qu’on aime.

 

Vous me demandez ce que changera le Sénat à gauche en 2012 : il sera le laboratoire de la France à gauche en 2012.

 

Pour la première fois dans l’histoire de la Vème République, nous pourrions réaliser des réformes constitutionnelles et, pourquoi pas mener à son terme l’une des 110 promesses de François Mitterrand, à savoir le droit de vote des étrangers aux élections locales parce que la France du discours de Grenoble n’est pas notre France.

 

Enfin, je veux revenir au thème de nos journées parlementaires « La République à l’endroit », je dois dire que j’ai une nuance avec Emmanuel TODD qui nous dit que la République est le mot de gauche pour dire Nation. A mon sens, c’est plus que ça. La République est la matrice qui surplombe la nation et toutes nos identités plurielles. La République, avec en son cœur la laïcité, est cet espace de concorde qui nous permet de vivre ensemble malgré nos différences.

 

Nicolas Sarkozy tente de nous faire croire que la République est la seule propriété d’une certaine catégorie de Français. Ce n’est pas nouveau, c’est l’éternel discours délibérément anxiogène qui consiste à dire qu’il y aurait d’un côté les vrais Français et de l’autre les Français d’origine contrôlée. Nous socialistes savons bien que ce n’est pas le cas, car la France reste Une et indivisible.

 

Avec un Sénat à gauche nous aurons les pouvoirs institutionnels nécessaires qui nous permettrons de dessiner la France de demain et de remettre la République à l’endroit.

 

Bariza Khiari – Sénatrice de Paris

Journées Parlementaires PS de Pau, septembre 2010

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