AUJOURD'HUI POUR UN MILLION, T'AS PLUS RIEN...
La vie politique amène à tout, même à parler du rapport entre football, économie et société. Non content d'aller régulièrement soutenir les équipes vaudaises, je me sens dans l'urgente nécessité de participer au grand débat actuel sur la taxation à 75% des joueurs millionnaires, et surtout sur cette quasi-inédite menace de grève des matchs qui provoque crises de larmes et apoplexies dans les chaumières… ou pas…
Bouche en cœur et portefeuille en poche, nos dirigeants préférés des « grands » clubs de football sont allés quérir audience au Palais, où la République, gracieusement, les reçut et les remercia. Dans l'indifférence populaire générale alors que les media en quête de nouvelles audiences faisaient flèches de tout bois ou bois de toute flèche (on finit par ne plus savoir). La menace de grève ne prend pas (encore), et les sondeurs toujours prompts à tout sonder nous disent que cette taxe convient parfaitement à la majorité des Français, finalement peu encline à suivre ses faiseurs d'opinion.
La crise nerveuse des patrons du football professionnel fait donc « flop », mal ressentie par la population, à plusieurs titres.
Tout d'abord, la loi est la loi. Oui, je sais, encore une de ces banalités tellement banales qu'on finit par les oublier. La taxe des 75%, avant tout symbolique puisque limitée dans le temps et dans ses effets réels, n'est pas spécifique au monde du football, elle va s'appliquer à toutes les entreprises, dont celles aussi prises dans la concurrence mondiale, là où les patrons du foot nous disent qu'ils sont dans une concurrence européenne. Ces patrons, là, se cachent bien de se plaindre, de peur de reconnaître devant leurs salariés smicards et / ou à temps partiel imposé qu'ils sont eux grassement millionnaire chaque année. Cette taxe n'est donc pas spécifique au football, et elle est un engagement de campagne de François HOLLANDE. Certes, avec une petite variation, puisqu'à l'origine c'étaient les salariés millionnaires qui devaient payer et non les employeurs, mais le Conseil Constitutionnel est passé par là. Quand bien même, pour le monde du foot professionnel, souvent par contrat ce sont les clubs qui prennent en charge le paiement des impôts, donc cela aurait peu changer la pratique. Donc il s'agit d'une mesure générale qui répond à un engagement pris devant les citoyen(ne)s français(es). Cas clos.
2ème élément du débat, ces patrons du football professionnel ne représentent qu'eux-même. Ils parlent au nom du monde du football, alors que ce monde du foot, fait de clubs amateurs et de bénévoles qui mouillent le maillot sur et hors le terrain, ne se sent pas représenté par ces porte-paroles auto-proclamés. La majorité des amateurs de football et supporters de clubs aussi : ils veulent toucher le ballon ou regarder un match, pas entendre une caste décidée au nom de la masse qu'une élite fera « grève », ou plutôt « reportera les matchs », non, parce que faut pas déconner non plus, y'a trop d'argent en jeu pour se lancer dans une véritable grève, ça c'est bon pour les salariés de base, ceux qui sont justement leurs supporters, qui achètent leurs places et leur merchandising. Du coup, de là à ce que la base se sente méprisée dans sa démarche par une élite auto-désignée… Cas clos.
Ensuite, les clubs brassent chaque année des dizaines de millions d'euros (si ce n'est plus) en transfert, ils payent des salaires mirobolants, y compris (c'est ce que révèle cette histoire) des « petits clubs » qui ne prétendent même pas à jouer dans la cour européenne. C'est le monde du foot spectacle qui est un foot business. Je ne vais pas le critiquer en soi : on paie royalement les acteurs stars, les chanteurs stars, donc pourquoi pas aussi les footballers stars ?! C'est une économie, qui génère des emplois, un chiffre d'affaire et (peut-être?!) des bénéfices. Donc ne reprochons pas à des joueurs et à leurs agents de savoir négocier leurs contrats. Juste, quand on peut mettre des dizaines de millions d'euros pour louer pour quelques mois un joueur, est-on en droit de pleurer madeleine car on nous demande de verser quelques dixièmes de l'équivalent financier pour la solidarité nationale ? Cas clos.
Enfin, les patrons du foot – business pourraient ou devraient se souvenir qu'ils bénéficient largement de l'impôt. Parce que c'est une activité populaire, un spectacle partagé, le football amateur mais aussi professionnel bénéficie largement de l'impôt. Cela ne me choque pas, puisque c'est une passion largement partagée, dont il est normal qu'il soit à ce titre soutenu par les pouvoirs publics. Le Stade des Lumières à Décines, que je soutiens sans réserve, est un exemple de projet économique, social et urbain, financé par de l'argent public, le public en bénéficiant par les emplois induits, les infrastructures routières ou de transports publics développé, le développement urbain et le spectacle footballistique qui sera proposé. Mais c'est aussi un projet qui est construit à l'origine autour d'un club du foot business. Peut-on se plaindre de participer pour quelques millions d'euros à la solidarité nationale quand on bénéficie de l'impôt pour plusieurs centaines de millions d'euros ? L'argent public est partout dans le football et aujourd'hui quelques patrons du football paillettes remettent en cause le principe de l'impôt ?! La potion est un peu grosse, elle ne passe pas. Cas clos.
Alors bien sûr, il faut pouvoir remettre tout cela en perspective, et, notamment à travers l'argumentation des dirigeants de clubs professionnels de la concurrence européenne, nous devons nous interroger aujourd'hui sur nos mécanismes économiques ou fiscaux dans un monde en inter-actions permanentes. En attendant, que les patrons du foot et les joueurs stars laissent la solidarité et les engagements de campagne à d'autres et qu'ils s'occupent t'offrir de beaux matchs et une attitude exemplaire. Car s'ils faisaient plus rêver par leurs prouesses sportives et leur attitude hors du terrain, peut-être que leur attitude et leurs menaces de non-grève ne paraîtraient pas aujourd'hui si nombrilistes… Cas clos.