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19 mars 1962, les Accords d'Évian: construisons ensemble des avenirs partagés

Publié le par Stéphane GOMEZ

Madame la Ministre Hélène GEOFFROY, Maire de Vaulx-en-Velin, Vice-présidente de la Métropole de Lyon,

Monsieur le Président de l’UFAC, cher Robert GEA,

Mesdames et Messieurs les élus et anciens élus,

Mesdames et Messieurs les membres de la FNACA et représentants des associations
d’Anciens Combattants, de Résistants, de Déportés,

Madame et Messieurs les portes drapeaux,

Mesdames et Messieurs les représentants d'associations,

Mesdames et Messieurs du Chœur du souvenir,

Mesdames et Messieurs,

 

Le 19 mars 1962, il y a 60 ans aujourd'hui, le journal du soir Le Monde titre : « Une nouvelle réunion que l'on espère la dernière s'est tenue samedi à Évian ». Le lendemain, Le Monde peut enfin titrer : « Après la conclusion des négociations franco-FLN d'Évian, le général Charles AILLERET donne l'ordre de cesser le feu à l'armée d'Algérie ». Le Figaro titre, lui, « Midi : cessez-le-feu en Algérie ». Pour L'Humanité c'est « Une grande victoire de la paix : cessez-le-feu en Algérie ».

 

« Négociations franco-FLN » disait à sa « une » Le Monde : dans son titre, le journal -l'un des plus engagés contre la torture, contre les crimes de torture en Algérie- mettait à égalité la nation française et le FLN, incarnation d'une nation dont on ne disait pas encore le nom, la nation algérienne.

 

Il y a 60 ans jour pour jour, les accords de cessez-le-feu mettaient fin -enfin- à un conflit qui ne disait pas son nom et qui durait depuis 1er novembre 1954 (quelques mois après la débâcle de Dien Bien Phu) ; ou peut-être le 8 mai 1945 -et les massacres de Setif, Guelma et Kherrata-, les années 1930 -avec l'Étoile Nord-africaine créée en 1926 ou le Parti du Peuple Algérien créé lui en 1937-, ou qui n'avait peut-être jamais cessé depuis le débarquement de Sidi Ferruch le 14 juin 1830, 3 ans après le « coup de l'éventail », piège politique qui permettait à la France de mettre en application un plan d'invasion prévu depuis le Ier Empire, 20 ans plus tôt.

 

La suite est une accélération inévitable : le 8 avril, les Français approuvent à 90% par référendum ces accords donc la perspective de l'indépendance algérienne ; le 1er juillet 1962 a lieu le référendum d'autodétermination en Algérie (99,7% de « oui »), le 3 juillet le Président Français reconnaît ces résultats donc l'indépendance, le 5 juillet 1962 l'Algérie est indépendante. Enfin. 8 ans après Dien Bien Phu, après 8 ans d'une guerre asymétrique épuisante durant laquelle certains auront eu recours à la torture, l'armée coloniale est de nouveau vaincue. Après 25 à 30 000 soldats français morts dont la moitié d'appelés du contingent ; après 400 000 Algériens morts dont plus de la moitié de civils.

 

Mais le 19 mars 1962, Le Monde titrait aussi « Nouveaux assassinats à Alger » ; le 20 mars, « La grève générale ordonnée par l'OAS paralyse Alger et Oran » ; L'Écho d'Alger multiplie les titres sur les violences qui ravagent l'Algérie mais en pointant toujours la responsabilité supposée des patriotes algériens. La guerre sans nom cessait ; une autre guerre sans nom commençait, celle de l'OAS. Et la conscience française de ces années sombres devait encore émerger, car c'est dans la vérité, toutes les vérités, que la réconciliation et l'avenir partagés se créent. Et le point de départ de cette vérité est que le système colonial est un système moralement condamnable.

 

Aujourd'hui, les programmes d'Histoire interrogent : comment la III° République, la République du suffrage universel masculin, de la scolarisation pour tous et toutes, des libertés d'association et syndicale pu-t-elle aussi être le régime de la colonisation de Madagascar, de l'Indochine, du Tchad et du Niger, de la Tunisie et du Maroc, du Sahara ou de l'insaisissable Atlas en Algérie ? Comment la III° République si libérale en interne a-t-elle pu être si impérialiste en externe, jusqu'à se jeter dans la machine à broyer les corps et les coeurs de la Grande Guerre ? Jusqu'à envoyer des appelés du contingent mourir pour ses dominations coloniales ?

 

Aujourd'hui aussi, comment ne pas penser aux bruits sourds des canons qui résonnent de nouveau en Europe ? Comment ne pas penser aux parallèles, au risque d'une guerre asymétrique en Ukraine avec son cortège d'inhumanités ? Comment, quand hier la Ville, aux côtés de la FNACA, fleurissait les tombes de 3 Vaudais, appelés du contingent tombés en Algérie pour soutenir un phantasme impérialiste, comment à ce moment ne pas penser à la même folie nationaliste et impérialiste qui anime les dirigeants russes, à leur responsabilité pénale, morale et historique dans les crimes de guerre qui ensanglantent l'Ukraine ? La conscience morale internationale jugera, elle juge et condamne, comme elle l'a fait par ailleurs et par avant.

 

Aujourd'hui quand les bruits sourds des canons résonnent de nouveau en Europe, cette commémoration des Accords d'Évian trouve un douloureux écho et une triste urgence. Ils nous redisent l'horreur des logiques impérialistes et ils nous rappellent l'importance de construite ensemble, par la volonté de la vérité et de l'écoute, des avenirs partagés.

 

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