Zone à Faible Émission: Arx tarpeia Capitoli proxima
Madame la Maire,
Chers Collègues,
Mesdames, Messieurs,
La qualité de l'air (dans son ensemble, pas seulement celle des véhicules) représenterait plus de 40 000 décès / an en France ; les particules fines seraient responsables de 300 000 décès / an dans l'Union Européenne. Les transports représentent aujourd'hui les 2/3 de la pollution atmosphérique en oxyde d'azote en Auvergne – Rhône – Alpes.
Ces quelques chiffres ne sont pas catastrophistes ou alarmistes. Ils sont le rappel et le démonstrateur d'une situation sanitaire dégradée, une situation que subissent particulièrement les Vaudaises et les Vaudais.
Le développement de la Zone à Faible Émission est donc une occasion à saisir pour améliorer les conditions de vie des Grands Lyonnais en général, des Vaudais en particulier. Une occasion à saisir et une occasion à accompagner et encadrer, car Arx tarpeia Capitoli proxima, il n'y a pas de loin du Capitole à la Roche Tarpéienne. Cette mesure environnementalement vertueuse ne doit pas devenir socialement désastreuse.
Ne nous trompons pas de sujet : bien sûr que tout le monde est pour un air de meilleur qualité ; bien sûr que celles et ceux qui ne peuvent pas avoir de voiture sont aussi celles et ceux qui sont les plus et doublement pénalisés, par une limitation de leurs mobilités et par la pollution de l'air -et, à ce titre, en contribuant à la qualité de l'air des plus modestes, ceux qui ne peuvent pas s'offrir une résidence principale dans un val aéré et éloigné, ceux qui subissent les effets des migrations pendulaires de ces derniers, ces populations modestes sont celles qui bénéficient le plus de la mesure.
Ne réduisons pas -non plus- le débat. Cela a été dit par Matthieu FISCHER, il s'agit d'un cadre réglementaire européen et législatif français qui s'impose à nous. Il ne s'agit pas d'une marotte, d'un dogmatisme local ou d'une lubie électorale. Nous devons appliquer la ZFE ; le sujet n'est donc pas « si » mais « quand » et surtout « comment ».
La ZFE, la Zone à Faible Émission, est donc un sujet majeur pour notre territoire métropolitain en général, et le territoire vaudais en particulier. À ce titre, on ne peut que regretter que la concertation, malgré les moyens importants mis en place par la Métropole, n'ait pas réussi à prendre plus d'ampleur.
L'avis que nous devons émettre ce soir concerne la 1ère phase de l'extension de la ZFE, aux véhicules professionnels et diesel, autrement dit la ZFE5+. La Métropole propose seulement d'anticiper l'obligation légale de quelques mois ; une 2ème phase du déploiement du dispositif donc, consécutif à sa mise en place par un vote en Conseil de la Métropole en janvier 2019 lors de la précédente mandature.
Les élus Socialistes et Républicains sont favorables à cette anticipation de quelques mois de la date limite fixée par la loi.
Permettez cependant que j'évoque aussi les suites de la démarche. L'élargissement proposé de la ZFE dans une 3ème phase, aux véhicules Crit'Air 2 à 4, là où l'obligation à terme n'est que d'aller jusqu'au Crit'Air 3.
Cet élargissement toucherait 83% des véhicules de notre commune, donc peu ou prou 83% des Vaudaises et Vaudais ayant un véhicule. Tous les Vaudais, certes, n'ont pas de véhicules et ne sont pas concernés. Pour celles et ceux qui ont un véhicule, le chiffre est considérable, conséquent. D'autant plus conséquent qu'il s'agit des Vaudaises et des Vaudais les plus modestes ou les plus précaires : on ne possède pas de véhicule plus polluant par goût ou par choix ; on possède un véhicule plus polluant par nécessité et donc pas contrainte.
Le véhicule polluant, c'est celui du travailleur pauvre, qui ne peut pas en changer, et qui doit en posséder un pour traverser l'agglomération très tôt ou trop tard pour embaucher à des horaires et sur des trajets incompatibles avec ceux des transports en commun. C'est le véhicule du 1er de corvée de la pandémie, des aides soignants, agents d'entretiens ou agents de sécurité, qui doivent rapidement dans la même journée se déplacer sur plusieurs lieux de contrats. C'est le véhicule indispensable pour à la sortie du travail récupérer les enfants, les amener aux sports ou à la médiathèque, aller remplir le coffre de courses avant de les récupérer et de rentrer chez soit pour commencer son autre journée, de travail domestique.
Pour celles et ceux qui étaient à la réunion de concertation organisée sur Vaulx-en-Velin par la Métropole, on se souvient de ces témoignages, de cette grand-mère qui aide son enfant qui travaille en allant récupérer son petit-fils tous les jours à Caluire, celui de cet auto-entrepreneur en BTP dont l'utilitaire accueille tous les outils de travail. Des témoignages, ce soir là, il y en eux d'autres, de celles et ceux dont le véhicule est indispensable chaque jour, qui ne peuvent pas en changer aujourd'hui, qui ne sera plus accepté demain !
Comment faire ? Que leur répond-t-on ? Que la qualité de l'air de celles et ceux qui peuvent changer de véhicule importe plus que leur vie quotidienne à eux ? On oppose la fin du monde et la fin du mois ?
À ce sujet s'ajoute celui des effets frontières. On pourrait se contenter d'une ZFE jusqu'au boulevard périphérique : cela priverait déjà les Vaudaises et les Vaudais de leur capacité d'aller dans le Centre -avec les effets déjà évoqués- mais leur laisserait le reste de leurs mobilités. Ce serait cependant transformer notre ville en ville – stationnement comme on a connu la ville – dortoir : Vaulx-en-Velin deviendrait le déversoir de tous les véhicules interdits d'entrer dans Lyon – Villeurbanne, qui viendraient s'accumuler là toute la journée, après avoir tourné et pollué pour se garer…
Donc, non, ne nous trompons pas de sujet : bien sûr que tout le monde est pour un air de meilleur qualité ; bien sûr que celles et ceux qui ne peuvent pas avoir de voiture sont aussi celles et ceux qui sont les plus et doublement pénalisés, par une restriction de leurs mobilités et l'air pollué. Mais une ZFE qui n'apporte pas aussi une solution aux plus modestes qui ont besoin d'un véhicule, de leur véhicule, qui ne peuvent pas uniquement utiliser les transports en commun ou les vélos cargos, cette ZFE là serait une injustice sociale à laquelle on ne peut se résoudre.
Aujourd'hui la Métropole travaille sur des dispositifs d'accompagnement au changement de véhicule ou de dérogations. C'est une bonne chose, que nous saluons et que les élus Socialistes à la Métropole accompagnent puisque j'y siège avec une collègue villeurbannaise. C'est une démarche qui sera efficace que si elle est claire et accessible à tous, si elle aboutit à une proposition compréhensible, utilisable de tous et avec de véritables effets leviers pour les plus modestes : on ne peut pas compter que sur la loi naturelle du marché pour que la flotte de véhicules se renouvelle ; cela laissera les plus modestes à la marge et sera donc une mesure d'exclusion. On ne peut pas s'enfermer dans une mesure contraignante hostile par principe au véhicule ; cela nourrira une rupture profonde entre ceux qui n'en ont pas besoin et ceux qui ne peuvent pas s'en passer.
Donc, « oui », les élus Socialistes et Républicains sont favorables à la ZFE, à la ZFE si elle est une mesure d'amélioration de la qualité de l'air, pas si elle est une mesure dogmatique contre l'automobile. « Oui », nous sommes favorables à la ZFE, si elle n'est pas une pratique anti-sociale. « Oui », nous sommes favorables à la ZFE, avec vigilance.