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Si on recommençait à parler de citoyenneté.

Publié le par Stéphane GOMEZ

Si on recommençait à parler de citoyenneté.

Chacun aura noté que depuis que j'ai été appelé par le vote à quelques responsabilités locales, j'ai essayé de m'abstenir d'intervenir à tout bout de champs sur tous les sujets de débats nationaux et internationaux. Ayant au quotidien des responsabilités et des choix contraints à faire, j'ai souhaité ne pas me réfugier dans la posture facile de celui qui par ailleurs donnerait au quotidien des leçons morales ou de morale sur ce qu'il faudrait faire, d'autant plus facilement qu'il n'a aucune prise sur ces choix.

 

Cette réserve n'induit pas que je ne réfléchisse pas et ne m'interroge plus sur les sujets plus généraux, même si je les exprime peu ou moins. Et, comme beaucoup, j'ai été amené à réfléchir sur l'annonce de la déchéance de la nationalité pour les citoyens bi-nationaux auteurs d'actes terroristes. J'ai même assez longuement muri le sujet avant de le condenser en quelques lignes réfléchies mais sûrement pas encore assez précises.

 

Pour couper court aux développements, déchoir de la nationalité une personne condamnée pour terrorisme ne me gêne pas en soi. Tout comme, à mon avis, la mesure ne gênera pas les terroristes en question (s'ils sont encore vivant après leurs actes) : quelqu'un qui massacre aveuglement des innocents par amalgames et haine de la société française (dans laquelle il a pu grandir, pourtant, ce qui doit nous interroger par ailleurs, mais ce n'est point le sujet du débat actuel, malheureusement), cette personne là doit se moquer à peu près totalement de perdre la nationalité française et donc la citoyenneté française.

 

Ce qui me gêne est beaucoup plus simple : cette mesure, symbolique, ne pourra s'appliquer à tous les terroristes. Le problème est là, dans les symboles.

 

Je pense que personne ne croit sincèrement que la déchéance de la nationalité pour les auteurs de terrorisme contre la France et les Français contribuera à empêcher les actes de terrorisme ; c'est une mesure symbolique qui ne peut intervenir de facto qu'après l'acte terroriste. Mais dans le droit international, il ne peut y avoir d'apatrides ; donc la mesure proposée ne peut être appliquée qu'à l'encontre de bi-nationaux.

 

Et c'est à partir de là que je commence à avoir des difficultés avec la mesure proposée : elle distingue entre citoyens français les gens en fonction de leur histoire, de leur histoire personnelle et aussi, de fait, souvent de leur histoire familiale.

 

Avec cette mesure, qui dans les faits ne visera dans la symbolique qu'une partie de la population française, on ouvre la boîte de Pandore de la nationalité, on distingue les parcours et on désigne a priori les uns vis à vis des autres. Puisqu'on ne veut pas remettre le principe de la bi-nationalité, il faut l'assumer sur ce qu'il dit de notre Histoire nationale, et ne pas aujourd'hui renvoyer sur des individus qui bénéficient d'un droit la suspicion d'un choix passé ou d'une histoire personnelle ou familiale. La Nation n'est plus une, puisque certains risquent plus que d'autres. La Nation n'est plus une, puisque certains en permanence se retrouvent assignés à leurs origines. Notre Constitution ne dit pas des contextes, elle dit la pérennité de notre modèle, de nos valeurs, elle dit notre contrat national ; dans ce contrat se trouve l'égalité des citoyens.

 

Et pour dire jusqu'au bout les choses, en tant que citoyen d'une ville populaire, c'est aussi là que j'ai de l'amertume. Car celles et ceux qui vont être ainsi de fait désignés, ce ne sont pas celles et ceux qui comme moi sont la 3ème génération d'une vieille immigration intra-européenne ; celles et ceux qui vont être ainsi de fait désignés, ce sont celles et ceux de la 2ème génération d'une jeune immigration extra-européenne, ce sont celles et ceux qui, dans les difficiles années 90, quand le paupérisme ne rampait plus, quand la puissance publique sous toutes ses formes et à tous ses niveaux reculait dans nos territoires, ce sont elles et eux qui ont tenu le front, qui ont porté la République quand la République abandonnait nos territoires. Ils ont porté la République et aujourd'hui dans les symboles la République les abandonne.

 

On veut aller, pour des raisons symboliques, vers la déchéance de nationalité ? Pourquoi pas ! Mais alors posons la question jusqu'au bout et redemandons à la communauté internationale de prévoir un statut d'apatride, puisque la situation inédite dans laquelle est notre société doit rouvrir toutes les portes du possible. Ainsi, ce sont tous les auteurs d'actes terroristes, tous sans distinction, que la mesure de déchéance frapperait. En attendant, proposons plutôt l'indignité nationale, car là mesure serait tout aussi inefficace et symbolique, mais avec le symbole jusqu'au bout, car la mesure viserait indistinctement tous les auteurs de terrorisme, sans paraître désigner une catégorie de la communauté nationale vis à vis d'une autre.

 

Voilà des propositions, il me semble, qui peuvent répondre à la symbolique du moment et que je peux partager, et qui ne fragiliseraient pas notre pacte national.

 

À plus forte raison si cette mesure s'en accompagnait d'une autre. Puisque nous devons réunir le Congrès, puisque nous sommes dans un état de guerre et d'union nationale, puisque nous voulons parler de nationalité, de citoyenneté et en même temps réaffirmer notre pacte républicain : alors pourquoi, en ce moment même, ne pas aussi poser la question du droit de vote et d'éligibilité des ressortissants extra-communautaires aux élections locales ?

 

Aujourd'hui, on demande au peuple de Gauche, dans l'union nationale, de faire un pas vers une idée, un marqueur traditionnel de la Droite. Pourquoi, dans cette même union nationale, ne pas demander aux parlementaires de Droite (qui ont empêché jusqu'à présent d'aller vers cette réforme faut d'une majorité qualifiée au Congrès) de faire un pas faire le pacte républicain et de voter ce droit de vote et d'éligibilité ?

 

L'union nationale doit valoir dans les devoirs et elle doit valoir dans les droits. La crise dramatique que vit notre société doit être le creuset d'une réaffirmation du pacte républicain, entend-t-on. Je souscris à ce principe, j'y souscris tellement que je pense que c'est le moment d'aller jusqu'au bout de la démarche, en profitant du Congrès à venir pour accorder à toutes celles et à tous ceux qui font au quotidien notre Nation le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales.

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