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Si nous bousculons les inerties.

Publié le par Stéphane GOMEZ

Si nous bousculons les inerties.

Mesdames, Messieurs,

 

Au nom de notre Maire, Hélène GEOFFROY, et de la Municipalité, je suis heureux de vous accueillir à Vaulx-en-Velin, dans ce planétarium, équipement municipal dont le rayonnement dépasse pourtant les limites de notre modeste commune (votre présence aujourd'hui en est encore la démonstration), et à quelques mètres d'un campus réunissant l'École Nationale des Travaux Publics de l'État et l'École Nationale d'Architecture, que notre ville de banlieue est heureuse d'accueillir sur son sol, et dont les travaux croisent les vôtres.

 

Vaulx-en-Velin a été au cœur de l'histoire urbaine de la France du XX°s. Elle a été la France rurale du début du siècle, autour de son Village et de son château médiéval. Elle a été la France moderniste de la cité TASE, cité paternaliste -ville dans la ville- au Sud de la commune, à partir des années 30. Elle a été la France des ZUP à partir des années 60, du Mas aux Quartiers Est, qartiers parfois entourés de traversantes de 2 fois 3 voies qui séparaient Vaulx-en-Velin du centre de l'agglomération plus qu'elles ne la réunissaient à la centralité urbaine. Elle a été la France de l'étalement urbain, dès les années 30, avec les quartiers pavillonnaires comme ceux du Pont des Planches. Elle a été la France de la politique de la ville, avec ses débuts enthousiasmants, ses ralentissements administratifs, et ses succès en clair obscur, souvent en clair, parfois en obscur.

 

Vaulx-en-Velin a été au cœur de l'histoire urbaine de la France du XX°s et elle sera au cœur de l'histoire urbaine de la France du XXI°s. Dans sa situation de 1ère couronne d'une ville dynamique, au cœur d'une Métropole ouverte, elle sera au centre des mutations urbaines. Elle devra les construire et les porter, si elle ne veut pas -comme cela a pu être le cas- les subir ou les suivre.

 

Car notre histoire urbaine, l'histoire urbaine de notre ville, c'est celle des réussites mais aussi celle des échecs, celle des enthousiasmes et celle des déceptions, celle des innovations et celles des expériences ratées.

 

C'est donc avec un calme enthousiasme que notre Ville aborde aujourd'hui cet enjeux urbain. Nous avons de l'ambition pour notre ville et ses habitants, ceux présents et ceux à venir. Mais nous savons aussi les difficultés et nous portons encore le poids des erreurs, de nos erreurs à nous élus d'aujourd'hui et de hier, des erreurs des sachants d'ailleurs qui sont venus dessiner sur les champs vaudais une ville qu'ils ne vivraient jamais pour des gens qu'ils ne connaîtront jamais.

 

Ce mois d'octobre 2015 marque les 25 ans des émeutes du Mas du Taureau. Un quart de siècle, presqu'une génération.

 

Que nous disaient ces violences urbaines ? Les origines et les causes sont complexes, les réduire et les résumer serait les caricaturer. Mais quand même, disons dans ces origines et ces causes, le poids des systèmes urbains, des utopies de bétons des années 70 qui se sont vite, très vite muées en réalité oppressive, l'utopie était devenue monstre.

 

Et 25 ans après, qu'est-ce qui a changé ? Rien, ou presque rien. Le Mas des émeutes est le quartier qui a le moins muté dans notre commune, le Mas de la naissance de la politique de la ville est celui qui en a le moins bénéficié dans notre commune. Et donc aujourd'hui nous sommes dans une urgence, celle de faire enfin bouger le Mas, avant que le Mas ne nous rebouge. Car 25 ans après, devant les mêmes tours et les mêmes barres, les Vaudais et les Vaudaises désespèrent de l'action publique.

 

Cette désespérance ne doit pas être prise avec morgue ou indifférence : les sachants savent que l'action publique en générale et la mutation urbaine en particulier sont des temps longs ; mais les habitants c'est au quotidien qu'ils vivent leur vie, qu'ils vivent leur ville ; leur demander d'attendre les effets de l'action publique, c'est insulter leur dignité, c'est les dé-sociabiliser, les désinscrire autoritairement de notre société.

 

Cette désespérance ne doit pas être prise avec morgue ou indifférence : par bien des aspects, Vaulx-en-Velin est le creuset de notre Nation, et donc cette désespérance doit nous interroger, il nous revient d'y apporter des réponses rapides, des réponses rapides, efficaces et justes. Ce mandat doit être le mandat de la mutation du Mas. Ce mandat doit redonner confiance en l'action publique.

 

Cette nécessité de résultats rapides nous met pourtant en porte à faux avec notre second objectif, celui de la co-construction du projet de ville. Car la co-construction prend du temps, alors que j'ai dit que je veux réaliser bien mais vite. C'est que nous avons trop attendu pour entrer dans les démarches qui replacent -ou plus souvent placent!- le citoyen – habitant au cœur des process.

 

Essayer de rattraper 25 ans de retard va nous amener à ne pas aller jusqu'au bout de la démarche de co-construction. Ne pas la mener jusqu'à 100%, ne signifie pourtant pas qu'il ne faille la mener à 80, 90, 95%. Nous avons encore le temps du dialogue si nous ne perdons plus de temps, si nous bousculons les inerties.

 

La démarche est difficile, car l'humain n'est -heureusement- pas une matière malléable à merci. Cela vaut bien sûr pour les habitants, cela vaut aussi souvent pour nous, les sachants proclamés ou auto-proclamés. Nous sommes souvent le premier et principal obstacle à la réussite des démarches de concertation et de co-construction, car nous avons du mal à nous rendre inutile. Nous arrivons avec des cadres, des pré-requis, des invariants, tellement nombreux, qui au final limitent la co-construction à la concertation, la concertation à la consultation, la consultation à l'information. La co-construction ne devient plus qu'un élément de langage, une nouvelle doxa, la nouvelle orthodoxie.

 

Je peux d'autant plus le dire devant vous que j'ai préalablement dit que notre municipalité a elle même mis un élément fort de cadre, qui est que le Mas bouge enfin sur ce mandat, qu'il y ait des réalisations attendues depuis un quart de siècle.

 

Bien sûr qu'il faut une impulsion. Je ne suis pas de la génération des « Mao spontex » des années 70 et 80 : sans impulsion il n'y aura rien, sans éléments du cadre il n'y aura rien. Mais des éléments de cadre ce n'est pas le cadre entier. Il faut aussi accepter et assumer que le savoir n'est pas que descendant, que les habitants sont et demeurent les meilleurs spécialistes de leur vie. Les sachants doivent apprendre à se dépouiller de leur tunique : il faut toujours pouvoir proposer des éléments de cadre, une impulsion, et ensuite que ces éléments soient en permanence rediscutés, modifiés et transformés par ces acteurs que sont les habitants – citoyens. Si j'osais, je dirai qu'en permanence nous devons travailler à nous rendre inutile.

 

Cette co-construction, c'est ce que nous essayons par exemple de porter avec une démarche comme le Mas Stock. Le Mas, le quartier du Mas. Le « stock », celui de nos souvenirs bons et moins bons dans le quartier, le stock de nos projets pour le quartier et pour la commune. J'avoue que je n'ai pas très bien compris en fait ce qu'est le Mas Stock : un « fab lab », un « living lab », un « workshop », un « work café »,… bon, il y a dans la salle des gens qui pourront mieux vous l'expliquer que moi durant toute cette journée. Je vais quand même vous dire ce que doit être pour moi le Mas Stock : un fourmillement de projets dans lesquels, au fur et à mesure de la création, l'habitant prend la place que nous aurons la raison de ne pas vouloir obsessivement occuper, pour créer sa ville à vivre. Il y a une impulsion, il revient maintenant aux citoyens – habitants de la saisir et de nous faire partager son savoir de la ville, de sa ville.

 

Dans des espaces en transition, le Mas Stock crée des usages sociaux des lieux, et c'est très important. Il peut contribuer même à en réinvestir certains. Mais on ne peut se limiter à cela, à de l'animation sociale avec un vernis citoyen. Le fourmillement de projets doit permettre aux citoyens – habitants d'investir les espaces pour proposer leurs projets d'actions et leur projet de ville.

 

Vous m'excuserez d'avoir été un peu long pour vous essayer de vous faire partager notre passion pour cette ville, tout son intérêt, et pour vous dire qu'elle est la démarche dans notre projet de ville, dans toutes ses contradictions.

 

Vaulx-en-Velin a été ville d'expérimentation. Nous espérons qu'elle soit aujourd'hui ville d'innovations. Innovations urbaines, innovations sociales, innovations des pratiques et d'abord celle de la co-construction.

 

Nous regarderons donc avec attention vos travaux, que je vous souhaite donc passionnant, passionnés et fructueux, dans l'intérêt de notre équipe municipale d'abord, pour les Vaudaises et les Vaudais surtout.

 

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